vendredi 5 juin 2015

5 mai / Sentinelles



 – Je vous parle de notre histoire.
– L'histoire se déroule et ne nous appartient pas.
– Rien ne nous appartient.
– Excepté nous.
– Et encore...

– Revenons à Victor-Hugues, je vous en prie. Et pour une fois, si vous pouviez être...
– Je vous l'ai dit, l'histoire ne nous appartient pas...
Victor-Hugues, lui non plus ne sait pas où il se trouve. Emmené par de mystérieux gardiens, il peine à comprendre ce qui lui arrive:
– Qu'y-a-t'il dans ces profondeurs ?
– Rien que nous ne connaissions déjà. Je crois vous l'avoir déjà dit...

– Je crois que je le sais.
– Comment pouvez-vous être sûr que ce voyage a eu lieu ?
– Je ne le saurais jamais et cela m'importe peu.
– N'avez-vous pas peur de devenir fou ?
– La question pourrait être inversée.
– Vous êtes fou !
– À votre façon d'envisager le monde, sûrement.
– Regardez, on dirait que l'eau se retire !

La vérité de l’erreur est erreur elle-même.
– Peut-être est-il déjà trop tard.
– Pourquoi dites-vous cela ? Alors même que vous savez très bien à quel point ces paroles me dérangent. Vous ne me tranquillisez guère.
– Ce n'est point mon intention.
– Quel est votre intention ?
– Je ne sais si je peux vous le dire.

– Et pourquoi donc ?
– Cessez de poser sans cesse des questions et préparez-vous à agir plus que de parler.
– Que dois-je faire ?
– Ce que vous pensez.
– Je ne sais que penser, pensa-t'il, contribuant par cette pensée à l'embarras de l'ensemble de sa pensée.
Pris par le bras et entraîné vers l'extrémité de la porte, il se laisse porter.
– Laissez-vous aller, il ne vous reste qu'un tout petit geste à faire et vous serez de l'autre côté. J'ai observé avec attention, rien n'est là qui soit à craindre.
– C'est précisément cette absence que je crains. Comment saurais-je
que je suis de l'autre côté ?
– Je ne le sais pas. Tout y est semblable à ce que vous connaissez déjà et pourtant il se peut que tout vous apparaisse comme étant nouveau.

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