vendredi 28 août 2015

28 août / Le grand air fait du bon travail

Auguste, perroquet de son état, depuis qu'il a découvert
le secret du questionnement ne rêve plus que d'une seule chose...
Mais les questions incessantes de Justin sont un obstacle qu'il peine à éviter.
– Nous faut-il des religions pour être heureux?
– Nous faut-il construire des temples?
– La vérité réside-t-elle dans l’ombre de ces temples que,
à l'instar de nos maîtres, nous fréquentons?
Ou serait-ce sur cette ile où vous avez,
il me semble, retrouvé le vôtre?


"
À ce qui fut et à ce qui sera,

Vous savez, cher Joachim, combien je suis attaché à la bienséance, à l'ordre et à la politesse, au point que tout cela puisse être considéré comme excessif. Cela fut le cas lors nombreux événements, je le comprends d'autant mieux que je commence à penser que cette sorte de critique n'est pas dénuée de sens et me donne, aujourd'hui, l'occasion de revoir différemment ce en quoi j'ai toujours cru. Au fur et à mesure de mon ascension sociale, alors que je gagnais la confiance d'un large public et qu'il reconnaissait la valeur des idées que je défendais naissait dans les soubassements que nous avions malheureusement délaissés, jusqu'à ce qu'ils deviennent inaccessibles, un autre public qui se mit à œuvrer dans l'ombre sans que nous ne puissions y faire face. Du haut de nos idéaux et de notre cité jamais nous ne sommes arrivés à mettre un visage sur cette frange marginale qui vivait, aujourd'hui je le sais, exactement comme je dois vivre aujourd'hui. Il se peut qu'ils n'en aient pas eu plus le choix que moi. Ainsi je me retrouve sans rien, et dans ce rien se développent d'autres idées. Suis-je en train de devenir le paria que nous pourchassions vainement autrefois? Je l'espère. Cependant je ne crois pas que ma situation soit véritablement inconnue de mes successeurs. Si j'en crois les nombreux indices que je recueille, ils me surveillent. Certes ils ne peuvent accéder à mes pensées, du moins je l'espère secrètement, mais ne puis en être sûr. Il se pourrait que tout cela ne soit qu'une mise en scène. Une scène sur laquelle je serais l'unique acteur, mais au travers duquel ils pourraient comprendre ceux qu'ils ne peuvent atteindre. Cela ne vous dit rien? Joachim. C'est exactement ce que je préconisais, à quelques exceptions près dans mon dernier rapport. Celui que je vous ai envoyé, Joachim. Celui pour lequel je vous envoyais quérir... et que je n'ai envoyé à personne d'autre. Vous me suivez Joachim, si j'ose dire...
Rassurez-vous, si toutefois vous vous inquiétiez, je vais assez bien et j'ajouterai que physiquement la vie au grand air me fait du bien. Le vent s'est calmé et je me surprends, quelquefois, à jouer comme un enfant.

 La voile qui recouvrait le matériel caché dans l'abri du pêcheur fait une bonne cape. Les vagues semblent apprécier sa vitalité. Tout cela est de bon augure... pour moi. Je ne vous dirais pas ce que j'envisage de faire ces prochains jours. Il se peut que vous le découvriez vous-même. Je n'en serais guère surpris. Il me semble, Joachim, que ce sera certainement la dernière lettre que je vous enverrais. Pour de plus amples renseignements vous devrez faire votre travail par vous-même... Vous le comprenez maintenant, en ce qui me concerne le grand air fait du bon travail."

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