vendredi 28 août 2015

Ne pas rire, ne pas pleurer

« Ne pas rire, ne pas pleurer,
ne pas détester mais comprendre. »

Baruch Spinoza, Traité politique, I, 4.

"Tant que j'étais gouvernant, cher Joachim, je pouvais penser que je n'étais guère gouverné, si bien qu'il ne me venait pas à l'idée que j'eusse du résister. Aujourd'hui, je dois me l'avouer puisque je n'ai plus d'interlocuteur: c'est pour moi une chose bien étrange que de me parler à moi-même, mais il me semble que ne pas parler, bien que sachant que je ne serais pas entendu, serait le meilleur moyen de céder à cette sorte d'indolence qui mène droit à la folie. Je la vois s'approcher quand, du fond de l'horizon, quelques légers nuages se rassemblent, l'air de rien, pendant que je cède en silence à mes rêveries d'enfant, comme lorsque je n'avais que trois ans. Si je n'y prend garde, quelques instants après ils ont déjà parcouru une distance appréciable, ils ont grandis de manière conséquente et pour finir se mettent à se rassembler jusqu'à former un ensemble tout-à-fait improbable qui se met à me parler. Chose insensée, je le sais, mais je ne le sais que lorsque je le dis. Si donc je me tais... ils parlent... et me racontent de drôles d'histoires...
Joachim, m'entendez-vous? Il me semble entendre une sorte de silence qui ne me dit rien de bon...


Étrange, ne trouvez-vous pas Joachim?.. cette veste que j'ai trouvé enfouie sous le tas de filet dans le débarras du pêcheur. La casquette je comprends mieux. Fantasme de marin... Mais tout de même si je regarde en détails... Je m'imagine le pêcheur la coiffant et s'imaginant capitaine au long cours à la tête d'un vrai navire. L'ivresse du grand large... son habit de lumière échoué sur la plage... du levant, siège des ultimes vérités...
... Heureusement que tout cela se passe en secret...
Là-bas sur l'horizon... poussé par les vents, derrière lui, à l'orient... lentement se propagent les derniers murmures du passé..."

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