lundi 24 juillet 2006

Une bien curieuse lettre


Evêché de ..., le 29 juin .

Mon bien cher Fils et Ami

Votre vénérée Mère était une des plus saintes âmes que j'aie connues. J'avais pour elle une profonde vénération ; et, j'en suis assuré, une belle place, aussi belle que celle qu’elle n’a cessé d’occuper en mon coeur et quelquefois, je dois te l’avouer avec humilité et confiance, en mon corps et en mon esprit, lui est réservée dans le ciel.
Depuis mon enfance, je n'ai cessé d'admirer sa haute vertu. Elle a toujours vécu dans les régions les plus élevées du surnaturel, joignant à une profonde piété et à une grande douceur un courage vraiment viril. C’est grâce à elle que je suis devenu ce que je suis.
Je l'ai vue accomplir des actes d'apostolat vraiment admirables et tandis qu'elle s'occupait au dehors des grands intérêts du Cénacle et de ma pauvre personne, elle restait dans sa maison l'épouse et la mère attentive, vigilante et forte au suprême degré. L'éducation que chacun d'entre vous a reçue prouve assez qu'au foyer, elle remplissait grandement la place que la Providence lui avait donnée...
Je joins à cette missive dont je reconnais la singularité, une image que j’ai gardée sur moi durant toutes ces années, ce qui explique pour une part qu'elle soit un peu "fanée". Je l’ai volée il y a longtemps déjà. Que notre Père me pardonne. L'objet s'efface lentement mais la lumière de son visage grandit encore. Malgré la faiblesse de ma rigueur, à cause de ma trop grande et sainte vigueur, votre Mère a passé de longues nuits sans repos à mon chevet. Je suis resté vivant comme par miracle. Le miracle, tu l’auras compris, c’était ta mère. Elle seule aura su tiré de moi la substantifique moelle de notre corps et me donner, jour après jour, une image de plus en plus nette de la présence de l’amour.
Son influence était des plus salutaires à tous.
Depuis le mois de février de l’année du Salut, alors que j’étais encore un jeune novice très inexpérimenté, j'ai passé dans votre famille quelques mois que je n’ai pu me résoudre à oublier. C’était après les désastres de notre Sainte Armée. Nous fûmes chassés, mes frères et moi, par la folie des hommes aux portes de votre luxuriant pays. Nous avons vu ce que la grâce du Bon Dieu a fait de votre chère Mère. Et depuis le jour où vous avez vous-même, avec ton frère Sancho, prêché sa prise d’habit et sa profession, vous avez reconnu le complément merveilleux de sainteté qu’elle a trouvé dans la vie religieuse. Il n’est de jours que je ne pense à elle et il n’en est pas plus que mon corps ne se souvienne et ne me fasse oublier tout ce qui fut “pêché”.
Je compte sur son intercession.
Priez, bien cher Fils, pour votre Père très affectionné, évêque de...

La vie intemporelle, spirituelle, amoureuse et terre-à-terre
de l'ingénu Don Carotte et de son frère "Ô Sang Chaud"
Lidane Liwl
Edition "Source spirituelle"

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