mercredi 2 mars 2016

2 mars (58)

Divine providence
 Épisode 58



Une barrière infranchissable s'était dressée entre nous. Nous devions ressentir, chacun de notre côté, sans qu'aucune parole ne soit prononcée, que l'importance de notre rencontre avait à voir avec cette misérable lumière qui gisait à nos pieds. Lentement, comme deux lutteurs guettant l'ouverture, nous nous baissâmes pour la ramasser. Je m'étais aperçu que se manifestait un léger décalage entre mes gestes et les siens. Les visages que nous croyions si semblables différaient par certains détails infimes...
Ces légers décalages s'amplifièrent par la suite. Comme pour une langue qui nous serait totalement inconnue, il me restait à comprendre ce qui les faisait varier.
– Si je le comprends avant lui je pourrais m'emparer de la lumière.


Chacun de nous essaya d'être le plus malin. Ce fut une succession sans fin d'essais, de feintes et positions de toutes sortes. Nous avions beau nous cacher, revenir sans bruit le long des parois rougeoyantes, rien n'y fit. Au moment même où notre main se tendait vers la luciole, l'autre main était là... non qu'elle soit, à proprement parler, véritablement autre... Au contraire...
D'une certaine manière, une hypothèse faisait son chemin et se mit à me parler comme si j'avais été pour elle un interlocuteur en qui elle avait toute confiance. Cela me surprit. Comment ne pas penser qu'elle s'était égarée et que je n'étais qu'un moyen efficace pour elle de retrouver une place qu'elle n'aurait jamais du quitter.
– Pourquoi donc ce cerveau, le mien, devait-il être l'hôte de ce type d'aliénation?
Tant que le jeu reste un jeu...
Sur le moment, comme un enfant, le Colonel ne prétendait à rien d'autre qu'à jouer. Or, il avait la désagréable sensation que l'on se jouait de lui...

La très véridique histoire du colonel Ortho
Éditions "De te fabula narratur "


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