dimanche 23 juillet 2023

Une époque

 



Il fut une époque, il y a déjà longtemps, où la capacité d'imagination de Platon était bien plus grande et active qu'aujourd'hui.

– Cette capacité fut une compagne fidèle sans laquelle, je n'ose y penser, j'eus pu sombrer...

Elle avait sur lui une emprise qu'elle n'a plus et il lui arrive de la regretter quelque peu. Cependant, lorsque que, de mémoire, il se rend sur les lieux de sa jeunesse, il peut, non sans quelques efforts, reconstruire ces récits qui de leurs temps l'avaient traversés.

– Burlesque fatras, jamais je ne m'étais douté que ceux-là même, si ordonnés, ordonnants, rigides et obtus, qui condamnaient, au nom du bon sens commun, l'imagination et l'absence à travers moi, étaient aussi sujets que moi à leurs pouvoirs...
Aujourd'hui, je sais que le monde qui était le leur et auquel j'étais assigné, n'existait pas plus que le mien... Rien de ce qui affectait leurs sens n'était perçu pour ce qu'il était et le monde dans lequel ils vivait n'existe plus, pas plus que le mien... Ainsi étaient-ils, non moins que moi, des fantômes guidés par d'autres fantômes, ceux de l'esprit. Brûlant mannequins-morts-vivants cherchant la lumière dans les feux d'un Carnaval à l'envers...
Comment n'ais-je pu voir dans ces images que la farce grossière et non le vide dans lequel elle baignait?

Il arrive que le jeu de reflets entre le texte et les images se déploie avec la même ambiguïté que celle qui prend place dans les espaces entre les mots. Ces blancs constituent des ruptures. Ce ne sont non seulement des ruptures du récit, et donc du temps, mais aussi du sens, ou des sens, qu'ils contiennent. 

 Entre les phrase elles-mêmes, ces blancs sont aussi nécessaires que la ponctuation qui est langage elle-même. Tels des chefs d'orchestre, ils dirigent le lecteur, lui indiquent le rythme et, souvent, l'intonation. Ces écarts, s'ils sont utiles à la clarté de la lecture, sont aussi des espaces vierges que l'imagination, sans toujours se faire voir, remplit à foison. Mais leur rôle, presqu’invisible, libéré de la tyrannie du sens et de l'ordre de la ponctuation, est encore bien plus grand dans les récits de mémoire où le plus souvent ils peuvent prendre presque toute la place... du fait qu’ils suggèrent à défaut d’imposer une respiration plus large, une invitation à explorer les vides.


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