vendredi 22 mars 2024

En un soupir

 


Se croyant à l’abri des regards, Pinocchio, l’Autre, dont l’enfant Lune tient la tête entre ses mains avec une infinie tendresse, s’empare de la moindre parcelle de silence. Dans ce silence, loin du monde de l'enfant Lune, tout en essayant d'éteindre le feu qui tente de le manger, il parle et poursuit son histoire:
– Certains mots étranges, en un va-et-vient obstiné, se dispersent et se rassemblent dans la grisaille de mon bois mort, vivante cible ou gisante forêt grandissante. Qui donc pourrait savoir qu’en secret,  au fond de mes entrailles, l’arbre poursuit sa mue. En moi, cette nuit-là, dans les froides veines de ma sève desséchée, sans que rien ne l’annonce, une nue lointaine, brusquement a fait irruption et s’est vidé. Délogé sans bruit, mon cœur inquiet, répondant à leur appel, a bondi vers les arbres, lointaine forêt silencieuse aux termes nébuleux et dont les mots étouffés, sinistres craquements, se confondent avec ceux des orages. Du ciel aussi, à grande distance, un autre son s'est fait entendre. Pour certains, du moins ceux qui l'entendent, c'est comme un frisson, et pour d'autres, comme un soupir prolongé. Pour moi c’était une plainte…
À peine auriez-vous saisi un peu de sa signification que déjà elle se dissipe. En silence, les nuages, la forêt et Pinocchio, ensemble poursuivent leurs métamorphoses. Au lever du jour, en douceur, des particules en fusion envahissent leurs formes. Les nuages s'étendent. En quelques heures et mille morceaux se brise la frontière de l'inconnu. Dans l'obscurité, le soleil rouge se répand et s'éclipsent les mille morceaux du mystère.
Les mille scintillements comme des échos se propagent sur de nouveaux et lointains horizons. Désormais, au beau milieu de la nuit, tel en plein jour, parmi le feuillage des arbres transpercés, dans le ciel, la lumière éclatée brille de tous côtés. Au matin, sans violence, mais puissamment, en une discrète errance, une lente coulée de cellules en fusion emplissent ses branches. L’arbre s’étend. Il lui faut quelques heures pour briser la voûte de l’au-delà. Dans la nuit, pénétrant la moindre roche jusqu’au centre des montagnes, il emporte avec lui le soleil rouge qui se meurt pendant que le feu grandit...




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