– Le plus vaillant se doit humilier devant ce qui l’éprouve, car nul ne sait la fin d’un chemin avant qu’il ne soit tombé ou couronné.
– Tu me fais rire Sang Chaud... N'est point Chrétien de Troyes qui veut!
– Ne ris point, chevalier, si ton destrier te semble chétif: souvent la plus humble monture porte plus loin que le plus orgueilleux coursier. Car la grandeur n’est pas en ce que tu montes, mais en ce que tu acceptes de suivre.
Don Carotte fronça les sourcils, il ne cessait de penser et repenser au fait que les ânes pourraient perdre plus que l'ombre...
– Plus? Que veux-tu dire par “plus”? Plus que l’ombre?
– Eh bien… il y eut jadis une légende à propos d’un ânon téméraire qui descendit pour suivre une feuille tombée, la croyant encore vivante. On dit qu’il perdit non seulement son ombre, mais aussi sa mémoire, puis sa forme, et qu’il finit en tâche verte sur une pierre tiède… Mais ce ne sont que contes, bien sûr.
Le soi-disant chevalier fait quelques pas, les bras battants, piétinant l’herbe de la clairière.
– Donc! s’exclame-t’il, je suis censé prendre pour monture cet animal minuscule, qui ne peut me porter, qui ne doit pas me suivre, et qui risque, s’il me suit, de se réduire à une tache? Est-ce là ton grand plan, ô guide des broussailles?
Il se tourne d’un geste théâtral vers Sang Chaud, qui souriait à peine, juste assez cependant pour qu’on le remarque.
— Et si je monte sur lui? Si j’exige qu’il m’emporte en hautes aventures? Et qu’il doive descendre de l’arbre pour me suivre? Et qu’il perde son ombre? Dis-moi donc, cher conseiller, quelle grandeur y aurait-il pour un chevalier à faire perdre son ombre à sa monture?
Sang Chaud hausse légèrement les épaules, fait mine de réfléchir, puis déclare avec une innocence feinte:
— Eh bien… s’il perd son ombre, au moins, il ne pourra pas vous en faire.
– Plus? Que veux-tu dire par “plus”? Plus que l’ombre?
– Eh bien… il y eut jadis une légende à propos d’un ânon téméraire qui descendit pour suivre une feuille tombée, la croyant encore vivante. On dit qu’il perdit non seulement son ombre, mais aussi sa mémoire, puis sa forme, et qu’il finit en tâche verte sur une pierre tiède… Mais ce ne sont que contes, bien sûr.
Le soi-disant chevalier fait quelques pas, les bras battants, piétinant l’herbe de la clairière.
– Donc! s’exclame-t’il, je suis censé prendre pour monture cet animal minuscule, qui ne peut me porter, qui ne doit pas me suivre, et qui risque, s’il me suit, de se réduire à une tache? Est-ce là ton grand plan, ô guide des broussailles?
Il se tourne d’un geste théâtral vers Sang Chaud, qui souriait à peine, juste assez cependant pour qu’on le remarque.
— Et si je monte sur lui? Si j’exige qu’il m’emporte en hautes aventures? Et qu’il doive descendre de l’arbre pour me suivre? Et qu’il perde son ombre? Dis-moi donc, cher conseiller, quelle grandeur y aurait-il pour un chevalier à faire perdre son ombre à sa monture?
Sang Chaud hausse légèrement les épaules, fait mine de réfléchir, puis déclare avec une innocence feinte:
— Eh bien… s’il perd son ombre, au moins, il ne pourra pas vous en faire.
Il laisse planer un silence léger, presque moqueur. Don Carotte ouvre la bouche, puis la referme. Puis l’ouvrit de nouveau. Rien ne sort.
Il reste là, figé, sur l’arbre de la clairière, un homme trop grand devant un âne trop petit, prisonnier d’un arbre trop vaste au milieu de nulle part.
Le silence de la forêt semble applaudir pendant que Don Carotte, dans les ombres de l'arbre se met en quête...
Il reste là, figé, sur l’arbre de la clairière, un homme trop grand devant un âne trop petit, prisonnier d’un arbre trop vaste au milieu de nulle part.
Le silence de la forêt semble applaudir pendant que Don Carotte, dans les ombres de l'arbre se met en quête...