lundi 7 juillet 2025

"C’était une forêt d’hommes absents, où les branches tombaient comme des bras morts, et les sentiers n’étaient que souvenirs. On avançait en se battant contre l’espace, contre l’épaisseur des arbres, contre cette matière vivante qui refusait le passage."
 
Jean Giono, Que ma joie demeure 
 
 


Extrait du journal de Don Carotte
 
La forêt se dressait devant nous comme une architecture ancienne, indéchiffrable et souveraine. Rien n’était laissé au hasard dans cet enchevêtrement: chaque strate de végétation, chaque liane tombée comme un fil suspendu, chaque mousse recouvrant les pierres avait sa logique, sa place, son rôle dans l’harmonie touffue du vivant.
L’observation révélait peu à peu la structure: les arbres séculaires, droits comme des colonnes, étiraient leurs troncs jusqu’à des hauteurs vertigineuses, leurs cimes se rejoignant pour former une voûte quasi hermétique. La lumière, rare et précieuse, perçait à peine, filtrée par des myriades de feuillages superposés, en une poussière d’or vert suspendue dans l’air humide. À nos pieds, les racines dessinaient des labyrinthes, certaines aussi épaisses que des bras humains, d’autres aussi fines que des filaments nerveux, révélant la forêt comme un seul et vaste organisme souterrain.
Les sons aussi avaient leur logique: le cri lointain d’un oiseau, une goutte d’eau tombant dans un creux de roche, le froissement de quelque chose d’invisible dans les fourrés. Mais au centre de ce monde, il y avait le silence. Un silence vivant, qui semblait écouter, surveiller, retenir son souffle. Et pour ce qui concerne la relation entre Sang Chaud et moi-même, il eut sur nous un effet des plus bénéfique. Pendant plus de la moitié du trajet, qui fut fort long, à peine avons nous échangé quelques mots…




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