mercredi 16 juillet 2025

 
« Ce n’est pas parce que quelque chose n’a pas de sens qu’elle n’a pas de raison d’être. Dans ce monde, il y a des choses qui ne s’expliquent pas, et pourtant, elles existent.» 
 
Haruki Murakami, Kafka sur le rivage 
 
 


Don Quichotte, les mains sur les hanches, tapote du pied comme un homme qui attend une explication, un miracle ou un cheval, et qui n’obtenait rien de tout cela.
Il fixe la minuscule créature bleue-verte, qui venait de s’installer nonchalamment, près de lui sur un minuscule rameau aux feuilles courbées. L’animal mâchonne, les yeux mi-clos, comme absorbé dans un mysticisme digestif. Un faible souffle soulève à peine les poils raides de sa nuque.
– Enfin, Sang Chaud… dit Don Carotte d’un ton excédé, expliquons les choses posément. Comment veux-tu qu’un animal aussi petit, aussi feuilleté, aussi végétalement inconsistant, puisse porter un chevalier, et pas n’importe lequel! Un chevalier errant, bardé d’armure… certes invisible à vos yeux et à notre époque… mais chargé de gloire, lesté de destin?
Sang Chaud se racle la gorge, l’air de quelqu’un qui n’est pas tout à fait certain qu’il doive répondre.
— Et puis! enchaîne Don Carotte, levant un doigt dans l’air saturé d’humus, tu dis toi-même qu’ils ne peuvent jamais descendre de l’arbre! Qu’il y aurait une loi! Un tabou! Un interdit de nature mythique, cosmique, botanico-théologique, et que s’ils le font, ils…
(Il déglutit.)
– …ils perdent leur ombre!
Sang Chaud opine doucement du chef, les bras croisés sur son ventre, comme s’il savourait déjà sa réponse avant même de la formuler.
— C’est exact, mon seigneur. Il est dit dans les vieux récits, que personne n’a jamais écrits, mais que tout le monde connaît… enfin… devrait connaître… qu’un âne arboricole posant les sabots sur la terre ferme perd immédiatement son ombre. Et peut-être plus…



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