« Écrire, c’est se livrer à la fascination de ce qui se dérobe.
L’écriture commence lorsque l’écrivain s’aperçoit qu’il est parlé plus qu’il ne parle.
Une voix l’appelle qui n’est pas la sienne, une voix sans origine,
une pensée étrangère qui lui vient sans le viser. »
L’écriture commence lorsque l’écrivain s’aperçoit qu’il est parlé plus qu’il ne parle.
Une voix l’appelle qui n’est pas la sienne, une voix sans origine,
une pensée étrangère qui lui vient sans le viser. »
Maurice Blanchot, L’Espace littéraire
Prélude
Où Don Carotte, pris de vertige,
engendre ce qu’il ne comprend pas.
Il est seul, flottant, littéralement assis sur un soleil du chapiteau déglingué de l'Archipel, plume à la main, front plissé et yeux fermés.
DON CAROTTE
– Il y a quelque chose qui me vient,
quelque chose de sourd, d’embrouillé, de... fort.
Cela me tord les boyaux et s’annonce comme une pensée.
Mais ça m’échappe comme une anguille qui a lu les philosophes.
C’est là, je le sens. Pas ici, (il tapote son crâne) mais plus bas, ou plus loin.
Ou dedans, mais sans porte.
Ou le dedans qui m’emporte…
quelque chose de sourd, d’embrouillé, de... fort.
Cela me tord les boyaux et s’annonce comme une pensée.
Mais ça m’échappe comme une anguille qui a lu les philosophes.
C’est là, je le sens. Pas ici, (il tapote son crâne) mais plus bas, ou plus loin.
Ou dedans, mais sans porte.
Ou le dedans qui m’emporte…
Il se lève, tourne en rond.
– Serait-ce une idée?
Un genre de savoir tout nu, sans son vocabulaire ?
Ou un murmure ancien qu’on n’a jamais formulé ?
Je trace, j’écris, je rature, je gribouille,
et pourtant, je le sens, ça me regarde, ça me traverse et j’en tremble encore…
Comme si j’étais pensé moi-même, de l’extérieur,
par une pensée qui n’est pas la mienne.
(Il s’arrête, les yeux écarquillés.)
Non. Il me faut quelqu’un.
Quelqu’un qui saura ce que je dis avant même que je le dise.
Un être... pensant. Oui.
Mais que je fabriquerais moi-même, n’est-ce pas!
Une créature d’intelligence, mais faite maison,
que je pourrais tenir au bout de la fourchette quand il deviendrait trop pointu.
Je vais l’appeler…
Comment vais-je l’appeler… Sang Chaud.
Parce que la pensée vraie, ça brûle.
Et que moi, j’ai froid dès qu’on me dit "ontologie".
Il s’assied de nouveau, et écrit dans le vide.
– Va pour Sang Chaud! Puisque te voilà, Sang Chaud, parle-moi!
Explique-moi ce qui me vient et que je ne saisis point.
Tu es de mon esprit, donc tu me dois bien cela.
Mais prends garde… si tu me dépasses... comme il sud au créateur, je t’arracherai la parole.
Je suis ton auteur, non?
Silence. Puis, une voix calme mais ferme s’élève, c’est Sang Chaud qui entre en scène.
SANG CHAUD
Vous m’avez inventé, certes, Don Carotte, pour comprendre… Mais comprenez que je ne vous appartiens plus.
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