jeudi 9 novembre 2006

La très véridique histoire du colonel Ortho (15)


Malgré sa petite taille, Le Souriant possédait une vigueur surprenante. Certaines de ses colères explosaient pour des motifs qu'il avait peine à comprendre. Ainsi le jour où il entendit ces mots:
"Si l'homme est ce qu'il est, la mauvaise foi est à tout jamais impossible et la franchise cesse d'être son idéal pour devenir son être; mais l'homme est-il ce qu'il est et, d'une manière générale, comment peut-on être ce qu'on est, lorsqu'on est comme conscience d'être ? Si la franchise ou sincérité est une valeur universelle, il va de soi que sa maxime «il faut être ce qu'on est» ne sert pas uniquement de principe régulateur pour les jugements et les concepts par lesquels j'exprime ce que je suis. Elle pose non pas simplement un idéal du connaître mais un idéal d'être, elle nous propose une adéquation absolue de l'être avec lui-même comme prototype d'être. En ce sens il faut nous faire être ce que nous sommes. Mais que sommes-nous donc si nous avons l'obligation constante de nous faire être ce que nous sommes, si nous sommes sur le mode d'être du devoir être ce que nous sommes ?"*
Ce qui le mettait dans cette colère noire et fumante n'était pas qu'il ne comprenait rien à cette obscure quête de liberté, mais le fait que même dans cette interrogation extrême il paraissait sourire et jouer...


La très véridique histoire du colonel Ortho
« Si le problème a une solution, il ne sert à rien de s'inquiéter. Mais s'il n'en a pas, alors s'inquiéter ne change rien.»
Aux éditions "Sulfure, luxe et mots couverts"

*L'Être et le Néant
J-P Sartre

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