dimanche 28 janvier 2007

La très véridique histoire du colonel Ortho (299)


Sibylle se réveille.
- Viens par ici, Socrate, plus près de moi, afin qu'en me touchant tu me communiques les sages pensées qui te sont venues en me voyant; car je tiens pour certain que tu as trouvé ce que tu désirais, sans quoi tu ne serais pas revenu vers moi.»
Alors je me suis assis près d'elle et lui dit:
« Il serait à souhaiter, Sibylle, que la sagesse fût quelque chose qui pût couler d'une femme qui en est pleine dans un homme qui en est vide par l'effet d'un contact mutuel, comme l'eau passe, par l'intermédiaire de l'éponge, de la coupe pleine dans la coupe vide. S'il en est ainsi de la sagesse, je ne saurais trop priser la faveur de m'allonger à tes côtés et de croître en tous sens; car je me flatte que ton généreuse, ton abondante sagesse va passer de toi en moi et me remplir, que je puisse te remplir à mon tour; car pour la mienne, autrefois défaillante et semblable à un rêve s'est réveillée à la vue de tes visions. Après avoir reçu de ta jeunesse le cadeau et jeté tant de lumière, mon coeur et mon corps se réveillent devant ce que tu me révèle avec tant d'éclat...
- Encore et toujours le pouvoir de l'éloquence, aboya Platon.
- C'est calomnies, répondit Socrate et cela me surprend, c'est lui qui t'a averti de te bien tenir sur tes gardes. Garde-toi de lui qui sait si bien apparaître et mieux encore disparaître !
- De qui parles-tu ?
- De celui qui ne peut être séduit. Du maître de l'illusion qui pour n'étre pas séduit se pare des épais et mouvants rideaux du mensonge. Car de n'avoir pas craint la honte du démenti que je vais lui donner tout à l'heure, en lui faisant voir que je ne suis point du tout éloquent, ni impuissant, voilà le comble de l'impudence, à moins qu'il n'appelle éloquent celui qui ne fait que refléter la vérité.

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