samedi 11 juillet 2009


"Cher Joachim,

J'ai remis ça hier. Je n'ai pu résister à l'appel du large. Une fois que le Conseil fut achevé, j'ai enlevé ma moumoute et j'ai pris soin de me parer d'une fausse barbe. J'étais, je le pense sincèrement, tout -à-fait méconnaissable, à tel point que je décidais de garder mon emblème de membre du Conseil, notre cher Nœud flamboyant, afin de me prémunir contre toute arrestation surprise au cas, bien improbable mais non sans raison, où un Émissaire viendrait à passer par là. Cette fois je suis allé bien plus loin que la première et je dois vous l'avouer, j'y ai pris encore plus de plaisir. Ce n’est pas sans raison non plus que je vous raconte cette péripétie. Après avoir longuement marché et pris conscience du temps qui s'était écoulé je dus rebrousser chemin. Il fallait que je sois présent aux cérémonies de l'Aube où mon absence eut suscité de justes et dangereuses supputations. Je le regrette car, au point où j'étais arrivé, j'apercevais, certes de très loin, mais avec une netteté incroyable les Tours du Couchant. Ce fut, comme vous devez vous en douter, un moment d'intense jubilation dont je n'eus pas loisir de profiter pleinement. Il se trouve qu'aujourd’hui, à tête reposée je me demande si je ne suis un de ces impies qui ont l’audace et la témérité des barbares bravant sans vergogne l'Ordre et la Loi. Aussi suis-je au comble de la surprise , quand je met tout ceci en paralèlle avec ce vous me dites autrefois, au cours d'une réunion des plus secrètes, de voir que de tels attentats peuvent se commettre au milieu de la cité sans que personne n'en sache rien. Je tremble à l'idée que mon fondement et ma foi ne vacille et ne se mette en cours de transformation telle que je devienne le pire ennemi de tout ce que j'ai depuis toujours contribué à édifier en tant qu'Initiés aux Saints Mystères. Je n'en suis pas là encore, cher Joachim, mais il est vrai que, même si je ne sacrifie pas encore aux démons,
maintenant je doute que notre vie si dure et si austère soit la garantie de notre salut...

Serez-vous insensible à cet appel?

Bien que je commence à ne plus avoir d'illusions, je vous attend humblement.

Votre Isidor"

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