mercredi 3 juin 2020

(3) Comme un autre lui-même



Se croyant seul en son théâtre, Pinocchio, l'Autre, déclame librement. Sachant qu'au travers des surprises et des péripéties toujours nouvelles il se peut que se fasse jour une immensité cachée non par la réalité mais tout au contraire par une sorte d'imagination à l'envers qui ne fait rien apparaître mais au contraire masque en l'attirant à la manière dont on imagine que fonctionnent les trous noirs. Répétant et allongeant sans fin le discours qu'il veut faire à l'enfant Lune pour que celui-ci l'écrive et le fasse parvenir à son maître et créateur,  Pinocchio, l'Autre, ne se doute pas un seul instant qu'il peut être observé...

L’arbre a vacillé, s’est fendu. La fumée, visible de très loin, longuement s’est étirée. Le train, sans fin, dans ses profondeurs a continué son chemin. L’arbre et le train mystérieusement ont disparus. Sans autre cause que le hasard, leurs fumées, confondues, jusqu’à l’homme se répandent. L’homme aveuglé par l’âcre fumée, n’en croyant pas ses yeux, pleure, croyant qu’il a rêvé. 
Il peine à respirer, vacille, flotte. Dans l’eau de l’orage serait tombé et se serait noyé sans le secours du reflet d’un nuage. Humblement, l’homme en donne sa parole. Certains mots, libéré, sortent de sa tête. Il ne sait, pas plus qu’eux-mêmes ne savent pourquoi. En un seul instant, avide de désir, l’arbre a fleuri. Ce sont ses mots. Ce sont leurs mots. Les mots de l’arbre, ceux que maintenant il entrevoit au lieu de les entendre. Cette rouge moisson irradie, va et vient... et s’en retourne mille fois jusqu’au dernier instant sans cesse repoussé. 


– On dirait que Pinocchio, l'Autre, raconte son histoire à un autre lui-même...
– Je crois plutôt que l'enfant Lune se présente comme tel... ou peut-être... est-ce son imagination qui lui joue des tours...
– Comme quoi?
– Comme vous l'avez dit, comme un autre lui-même... 

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