samedi 6 juin 2020

(6) Tous ensemble


« Le rêve est un événement commun et pour une grande part collectif —tout le monde sait que tout le monde rêve ! Il est aussi un événement singulier: personne ne peut rêver à ma place ; un rêve est une expérience strictement personnelle. En cela, il est comme une prière. Observe une église, une mosquée, une synagogue, à l'heure de la prière. Chaque fidèle prie la divinité pour lui-même, quelquefois les yeux fermés, à la recherche de son intimité, mais tous font la même chose, au même moment. Plus même, ils doivent confusément savoir que leur prière a d’autant plus de chances de parvenir à son destinataire qu'ils sont plus nombreux à partager l'expérience. C'est ainsi que, dans un même village, dans une même ville, la majorité des habitants prient au même moment, rêvent au même moment –chacun pour lui-même, mais tous ensemble.»

Tobie Nathan



– Je ne pense point qu'il soit nécessaire d'ajouter qu'il n'est point question ici de jouer un rôle qui n'est point le nôtre... bien que...
– Quel est ce sous-entendu?
– Bien que ce rôle, en quelque sorte, nous le jouons.
– Je vous trouve bien mystérieux.
– J'espère que vous n'oubliez point d'où nous viennent ces mots!
– Les mots peut-être...
– Sûrement!
– Mais point leur signification...
– Vous avez raison et...
– Et?
– Il en est de même pour Pinocchio, l'Autre. 
– Mais que fait-il devant cet autre lui-même qui lui ressemble tant?
– Vous le voyez donc vous aussi?
– C'est une évidence...
– Point tant que cela. Pinocchio, l'Autre, ne semble point le voir...
– Comment pourrait-il ne pas le voir?
– Il l'entend... à sa manière..
– Qui entend-il?
– Il s'entend lui-même...
– Comment cela?
– Il se souvient, mais ne semble pas le savoir...
– Et que dit-il?
– Aussi longtemps que l'enveloppe sacrée de l'esprit de notre maître sera présente sous la forme de notre corps, et celui est apparemment encore sous contrôle, maintenu plus ou moins ensemble de manière cohérente par la puissance de sa volonté, nous devrions, vous devriez le traiter avec le même respect qui lui avait été dû pendant sa vie.*
– Je n'y comprend rien...
– Je commence seulement à comprendre...
– Pourriez-vous commencer de m'expliquer?





* Tiré du livre: Le chemin des nuages blancs, Lama Anagarika Govinda, Albin Michel 



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