lundi 30 mars 2020

(30) Ce que l'on veut nous faire dire


« En lui, il était, pour une seconde fois, un long grognement, une sorte d’enrouement dans lequel sa voix s’efface. Dans la nuit un homme marche. Le vent se lève et le suit. Entre des vagues qui se rapprochent et le sable qui s’enfuit l’homme et le vent s’engouffrent et, chacun à sa manière, porte la sourde clameur, l’aride plainte du temps qui se défait. Sans se retourner l’homme courbe le dos, de temps en temps, la main hâtivement portée sur son chapeau, il tente de relever la tête et presse le pas. Devant lui comme sous ses pieds nus l’horizon s’effondre, l’écume se noie, un mince filet d’eau enfle. La source ou le déluge ne sont plus très loin.»

Walid Neill, Ultime plage au hasard des gisants





– Selon le peu qu’il m’ait raconté, mon maître n’est pas nostalgique de son enfance.
– Vous aussi... vous auriez un maître?
– C’est étonnant!
– Qu’est-ce qui est étonnant?
– Il m’étonne qu’il vous ait parlé de son enfance…
– C’était une période difficile, mais il ne le savait pas.
– Pourquoi vous en a-t’il parlé?
– Ce qui lui arrivait, faute de comparaison, lui paraissait normal…
– Vous ne me répondez pas…
– Pour rien au monde il ne voudrait la revivre ni changer quoique ce soit à ses souvenirs.
– Vous souvenez-vous de votre enfance?

– Je ne sais que ce que l'on veut bien me dire... ou plutôt... ce que l'on veut me faire dire...

Aucun commentaire: