dimanche 12 septembre 2021

Première aurore

"Cette aurore est la première du monde. Jamais encore cette teinte rose virant délicatement vers le jaune, puis un blanc chaud, ne s’est ainsi posée sur ces visages que les maisons du côté ouest, avec leurs vitres comme des milliers d’yeux, offrent au silence qui s’en vient dans la lumière naissante. Jamais encore une telle heure n’a existé, ni cette lumière, ni cet être qui est le mien. Ce qui sera demain sera autre, et ce que je verrai sera vu par des yeux recomposés, emplis d’une vision nouvelle."

Livre de l'intranquilité, Fernando Pessoa



Dans la pénombre, l'homme qui me faisait face vous ressemblait, cher Justin. Je le dis pour me prémunir du danger de l'inachèvement. Je ne voyais presque rien de lui, à peine les fugaces scintillements des médailles qui pendaient en nombre sur sa poitrine. Elles brillaient aux rythmes désordonnées des innombrables bougies qui, pour peu que l'esprit fut bien instruit, formait un pont qui eut pu paraitre naturel au sens élémentaire, ou pour peu que l'esprit ne fut pas instruit, formaient une barrière infranchissable. En tous cas au delà du réalisme douteux de cette mise en scène, je me devais de reconnaître que je n'y comprenais rien et je dois vous avouer toute la peine que je dois mettre en œuvre la pour ne pas que tout ce que je vous raconte ne dépasse évidemment pas les limites d'une réalité certes implacable, mais surtout impalpable…


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