dimanche 12 septembre 2021

Porte haute et porte basse

 "Car les chants arrachés à l'âme trop brûlante

Les accents bégayés par la bouche tremblante
Tantôt frappés de mort et tantôt couronnés
Au gouffre de l'oubli sont toujours destinés"

Goethe, Faust, Prologue sur le théâtre

 


Cher Justin

Il est des choses et des sentiments qui ne peuvent être dits, soit par manque de temps, soit par manque d'à-propos, soit simplement parce qu'ils risquent d'être mal interprétés. J'ai le sentiment qu'en ce qui vous concerne c'est tout cela à la fois... La porte du taudis que j'habitais, qui était barrées de planches clouées m'obligeait à des contorsions plus vraiment de mon âge. L'image que je vous joins ne le montre pas très bien mais tant pis il faudra que vous mettiez en route cette imagination que je vous connais, même si je suis malgré tout assez surpris de voir combien elle peut être différente de la mienne. Mais, pour en revenir à cette porte et surtout aux mouvements auxquels elle me forçait, étaient une sorte de gymnastique qui, à défaut de me ravir, me ravivait plus qu'elle me gênait. Cette suite de mouvements procédait par vagues qui ont toutes pour effet de nous perdre et pour se ressaisir de nous périodiquement. Cette porte à moitié fermée était devenue une sorte de symbole dont j'étais la part manquante. Une part changeante et mouvante. Elle avait préservés et ravivés ces touchants secrets qui ne s'ouvrent ni ne se referment jamais. Elle m'obligeait, dans un seul et même mouvement à m'élever, à me prosterner et, à la fois, à penser à une sorte d'accouchement... en public de surcroît... S'il y a bien des mouvements qui nous"constituent" ce seraient bien ceux-là... Ne trouvez-vous pas? Vous ne n'aimez pas parler de cela? Il faudra tout-de-même que nous abordions le sujet, vous le savez bien, cher Justin. 

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