– “Non, monsieur, permettez, je disais ça pour vous qui nous avez crié que vous n’aviez pas de temps à perdre avec des fous, alors que personne mieux que vous ne peut savoir que la nature se sert comme outil de l’imagination humaine pour continuer, sur un plan plus élevé, son œuvre de création.”*
– Permettez-moi, je vous prie, de m’interroger à propos de notre présence et de l’imagination de notre maître… Prenons, pour exemple, l’image de Pinocchio, l’Autre, que tous deux nous voyons sans toutefois que l’on puisse nous voir… Nous qui comme Pinocchio, l’Autre, sommes des créatures sorties de l’imagination de notre maître et qui, dans une certaine mesure, sommes en passe ou tentons d’échapper…
– Et bien?
– Et bien, je ne sais qu’en penser…D’une part, pourquoi, je n’en sais rien, j’ai la certitude de faire partie de l’image… d’autre part je crois savoir qu’il y a autour de nous un tel chaos qu’il ne peut voir mais qui pourtant agit en lui-même…comme en moi-même…
– Vous n’en savez rien… Rien n’est plus facile que de s’imaginer à la place de quelqu’un d’autre… mais savoir avec justesse ce que pense Pinocchio, l’Autre, ne dépend point de l’imagination. C’est ce que je crois.
* Six personnages en quête d’auteur, Pirandello
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