« Qu'il existe alentour tant d'autres choses que soi le rend soudain joyeux comme un enfant
Il n'est à l'aise qu'au-dehors, il ne voit clair qu'en se perdant de vue.»
Louis René des Forêts, Ostinato, Gallimard , p.70
L’enfant Lune marche sans dessein, attentif aux vagues qui se forment, aux voix lointaines, au vent qui l'effleure. Chaque instant le dissout un peu plus, et c’est dans cette absence légère qu’il se sent le plus vivant. Le monde entier devient son regard, et lui-même s'efface comme la rosée douce sur les voiles du levant. C’est ainsi qu’il dérive, semblable à un vieux voilier oublié sur la vaste mer. Son corps est la coque, son souffle et ses pensées, autant de courants invisibles qui le poussent sans qu’il s’en aperçoive. Les vagues viennent le caresser pour le rappeler à un rythme plus ancien que la mémoire.
Il se laisse aller, bercé par la houle, chaque balancement effaçant un peu plus ce qu’il croyait pouvoir être. Il n’a plus d’ancre, plus de port à atteindre: seulement le bercement lent d’une eau vivante, qui l’invite à s’oublier. À mesure qu’il glisse ainsi, le ciel s'incline lentement. La lumière pâlit sans bruit, étirant sur les vagues des reflets de cendres et d'or vieilli. Le souffle du vent devient plus doux, plus grave aussi, comme s’il murmurait une langue ancienne qu’il a toujours connue sans jamais l’avoir apprise. Le jour tombe sans hâte, en dénouant les formes, en rendant flous les contours de l’eau, de lui-même. Tout se confond dans une lente respiration. Le ciel se déroule en un rouge rideau lourd et tiède, et sous cette couverture descendante, il sent naître en lui une paix sans nom, vaste et obscure comme l’océan.
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