« Je ne sais pas si beaucoup d'hommes ont comme moi depuis l'enfance pressenti toute leur vie. Rien ne m'est arrivé que je n'aie obscurément prévu dès mes premières années.
Les ruines d'Angkor, je me souviens si bien de certain soir d'avril, un peu voilé, où en vision elles m'apparurent ! Cela se passait dans mon « musée» d'enfant, - très petite pièce, en haut de ma maison familiale, où j'avais réuni beaucoup de coquillages, d'oiseaux des îles, d'armes et de parures océaniennes, tout ce qui pouvait me parler des pays lointains. Or il était décidé tout à fait à cette époque, par mes parents, que je resterais près d'eux, que jamais je n'irais courir le monde, comme mon frère aîné qui venait de mourir là-bas en Extrême-Asie.
Les ruines d'Angkor, je me souviens si bien de certain soir d'avril, un peu voilé, où en vision elles m'apparurent ! Cela se passait dans mon « musée» d'enfant, - très petite pièce, en haut de ma maison familiale, où j'avais réuni beaucoup de coquillages, d'oiseaux des îles, d'armes et de parures océaniennes, tout ce qui pouvait me parler des pays lointains. Or il était décidé tout à fait à cette époque, par mes parents, que je resterais près d'eux, que jamais je n'irais courir le monde, comme mon frère aîné qui venait de mourir là-bas en Extrême-Asie.
Pierre Loti, Un pèlerin d’Angkor
Il est des limites que nous ne pouvons dépasser... mais ces limites n'obéissent à aucunes règles...
Je ne saurais dire à quel moment précisément le paysage a changé. Il n’y a pas eu de fracas, pas d’orage, pas même un frémissement particulier dans l’air, mais quelque chose s’est déplacé, ou s’est dévoilé. Cela s’est produit en dehors de mon regard et pourtant, tout autour de moi maintenant, il y a... autre chose. Je suis parti au lever d’un jour gris, le ciel pluvieux nimbant la roche volcanique de reflets huileux, dans cette désolation nue où je croyais pouvoir contempler le monde comme une abstraction minérale. Et pourtant, après quelques heures de marche — ou peut-être moins, ou davantage, le temps n’a plus d’échelle ici — j’ai senti sous mes pieds le sol devenir plus meuble, comme si la roche s’était retirée pour céder place à quelque chose de plus... ancien... en même temps que je me sentais rajeunir.
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