Il marche dans l’aube incertaine, les yeux mi-clos, le cœur au ralenti. À chaque pas, juste après le battement, le silence s’épaissit. Alors l’invisible se peuple de bruissements que personne d’autre n’entend. Quelque chose, dans l’air, frôle sa peau, semble insister, puis s’efface. Une absence trop précise pour ne pas être réelle.
Autour de lui, dans sa mémoire, le cirque échoué se redéploie lentement comme la suite monstrueuse d’un rêve interrompu. Des toiles déchirées flottent dans l’ombre comme des voiles de deuil. Entre les poutres invisibles du chapiteau l’air est saturé d’un silence impossible à cerner.
Un cheval sans yeux tourne en rond, hennissant sans bruit, tandis qu’un funambule, figé entre deux temps, vacille au-dessus d’un fil qui pend au-dessus du vide. Sous la poussière, les rires d’autrefois grincent comme des rouages fatigués. Il n’a jamais quitté le chapiteau. Ce n’est pas un souvenir. C’est une représentation. Une boucle lente et dérangée. Un murmure, enfin, l’appelle par son nom qu’il croyait avoir oublié.
Il avance encore, sans savoir pourquoi, ni comment. À chaque battement de cœur, une lueur pulse quelque part dans le lointain, comme un projecteur fatigué.
Quelqu’un rit. Ou pleure. Peut-être les deux.
Il se souvient maintenant: ce n’était pas un rêve, mais une promesse. On lui avait dit que le spectacle ne finirait jamais. Il comprend. Il est l’oublié, le revenant, et le cirque, sanctuaire de ruines mouvantes, n’est que le théâtre de sa propre attente.
Ce qui en plein jour disparaît est ce qui, dans l’obscurité, impudiquement se donne à voir...
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