samedi 3 mai 2025


« Temps Perdu, temps gagné! S'il y a une économie qui est le Pire des gaspillages (car elle dépense toute la valeur dès le commencement, comme la philosophie de la chute et de la décadence), il y a inversement une flânerie qui porte conseil; la fécondité interne de la durée dément parfois son rendement superficiel et utilitaire. C'est un fait que la ligne droite peut être le plus long chemin, et que le plus court, ce sont souvent les méandres superflus de la promenade. L'itinéraire qui nous permet d'arriver à destination dans le minimum de temps, l'itinéraire sans fioritures ni circonvolutions est parfois le chemin de l'ennui. Ironie du sort! Le mouvement juste nécessaire pour aller d'un lieu à un autre est dans certains cas plus fastidieux que la ligne courbe de la déambulation. Ainsi les durées les mieux gérées peuvent être les moins denses et les plus fastidieuses, bien qu'il n'y reste pas une minute vacante pour la chasse aux papillons. Au contraire, une durée bien aérée de loisirs, une durée qui favorise la lente imprégnation de la conscience ne peut pas être entièrement perdue. C'est le détour qui est le vrai chemin!»

Vladimir Jankélévitch, L’aventure, l’ennui, le sérieux, Champs essais, p.217





Extrait d'un cahier dans lequel Pinocchio, l'Autre, consignait au jour le jour, mais sans ordre prédéfini, précisément dans le but de découvrir un ordre possible ou simplement acceptable...

Après bien des détours, mon arrivée sur l’archipel ne fut pas sans remous… sans parler des circonstances dans lesquelles elle eut lieu.
– Regardez-le, il a perdu la tête, sa place n’est pas ici… Son histoire n’est pas la nôtre! Qu’il rejoigne ses propres pages! Nous avons déjà bien assez de peine à trouver une issue à notre histoire…
 Face à la résistance de certains et à l’immobilisme des autres je ne dus ma place qu’à la persévérance de l’auteur… je veux dire… mon créateur… bien que j’aie, je dois le dire… quelque doute. Excusez la lente imprégnation de la conscience, le détour et les doutes…

En de temps infinis les funambules sur leurs fils se balancent. Les mains à vide se tendent vers un très lointain paradis et se rejoignent sans surprise dans une ronde infantile en poussant le caillou du pied droit comme le stipule l'humeur du moment. Sur la grand-roue de la chance, comme la fine farine sur la pierre du moulin, ce qui s'y passe n’use guère la pierre et les os ni du vieil homme, ni de l’enfant. Il se saisit de l'intérieur de ce qui se défait, se trame et se dissout. Tout cela en même temps.


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