dimanche 30 avril 2006

En d'autres lieux


Il m'arrivait, au hasard de mes lectures, de retrouver des détails de plus en plus précis de ma vision. Comme si l'auteur avait vu la même chose que moi. C'était un sorte de matérialisation qui m'aidait à devenir ce que je pensais être réel. Ainsi, dans "la course à l'Abîme", Dominique Fernandez écrit:
"Notre maison, comme je l'ai dit, était la dernière du village, avant la route qui file en droite ligne sur Venise. Il faisait très chaud, par cette fin d'après-midi, lorsque nous vîmes approcher, du fond de la plaine, une carriole bâchée attelée d'un mulet. L'été qui précéda mon départ pour Milan et l'entrée dans ma quatorzième année se signala par une sécheresse exceptionnelle. Pour se protéger des rayons encore brûlants du soleil, la famille était réunie dans le petit jardin qui s'étend derrière la maison. De l'autre côté du ruisseau qui marque la lisière de Caravaggio, le bois de pins et d'ormeaux regorgeait, conune chaque soir, d'une multitude d'oiseaux qui voletaient de branche en branche avec un bruit assourdissant.
La carriole, au lieu d'entrer dans le village, s'arrêta près du bois. Il en descendit un homme vêtu malgré la saison d'un manteau long à capuchon et sans manches.
À son costume. à son turban, à sa barbe taillée en pointe et soignée, ma mère le reconnut sans peine pour un de ces marchands qui servent d'intermédiaires entre l'Afrique et l'Italie."
La carriole avait été vue ailleurs, en d'autres lieux, en d'autres temps.

Le Roy Orky (9)

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