Ruine

 

– Si je vous comprends bien, vous craignez que nous soyons une sorte d’intelligence artificielle…
– Je le crains… en effet.
– Comment pourrions-nous en être sûr?

– Nous ne pouvons pas… mais…

– Mais?

– Ce dont nous pouvons être sûr c’est que nous sommes vivants…

– Là aussi j’ai quelque doute…

– Il va nous falloir récapituler. Nous sommes incontestablement des perroquets. Par notre maître, nous avons eu une éducation. Cette éducation nous donne accès à des données. Celles que nous avons reçues de notre maître et qu’à l’identique nous répétons sans cesse…

– Ce n’est pas sûr, rappelez-vous?

– Que dois-je me rappeler?

– Je vous l’ai dit… l’intérêt de notre maître c’est que nous ne répétions pas parfaitement ce qu’il nous dit. Ce sont ces petites différences qu’il guettait, car dans ces petites différences se créaient d’elles-mêmes, quelques choses nouvelles, passagers clandestins, exilés hors des habitudes, petits espaces hors du temps qui y voyagent donnant la possibilité d’une ruine et d’une reconstruction, pensait-il…

– N’est pas là précisément le hasard dont vous parliez et qui ferait de nous des stochastiques?

– Alors il faudrait continuer le raisonnement…

– Continuez je vous prie!

– Je n’ose pas…

– De quoi avez-vous peur?

– J’ai peur qu’il nous entende.

– Qui donc?

– Notre maître!

– Il n’est pas là!

– Qui peut savoir?

– Pourquoi en avoir peur?

– Ne savez-vous point qu’il a tout pouvoir sur nous. Il n’est rien que nous ne fassions sans qu’il soit au courant…

– Mais nous ne l’avons plus vu depuis belle lurette!