samedi 16 septembre 2023

Dès ce jour-là

 "Au printemps, Tipasa est habitée par les dieux et les dieux parlent dans le soleil et l'odeur des absinthes, la mer cuirassée d'argent, le ciel bleu écru, les ruines couvertes de fleurs et la lumière à gros bouillons dans les amas de pierres. À certaines heures, la campagne est noire de soleil. Les yeux tentent vainement de saisir autre chose que des gouttes de lumière et de couleurs qui tremblent au bord des cils. L'odeur volumineuse des plantes aromatiques racle la gorge et suffoque dans la chaleur énorme."*




« ... et si vous voulez mieux connaître l'amour que je vous porte, assurez-vous qu'autant vous avez en vous, autant vous méritez,
autant je vous aime, et pas davantage. »**


Platon l'Ancien aime beaucoup l’océan, les animaux marins, l’ordre et la puissance des courants et surtout la souplesse des brillantes armures des poissons que pourtant, selon la norme des hommes, il ne saurait voir. Dans le monde de l'enfance, le face à face entre Platon l'Ancien et le Roi Lyre eût dû être effrayant pour l'enfant. Il n'en fut rien. L'enfant, debout sur son rocher couvert de mousses rouges, malgré les incessantes transformations du monstre, n'eut qu'à tendre la main pour que ses globuleux yeux s'approchent avec confiance, sans qu'aucune hésitation ne se fit voir ni d'un côté ni de l'autre. Il ne fallut guère de temps pour que l'enfant et lui prennent langue et accordent sans effort le rythme de leurs respirations qui bientôt n'en formeront plus qu'une. Entre eux, un langage secret, si riche et si pauvre, que personne d'autre n'eut pu comprendre s'était installé.

Si Platon avaient pu connaître l'avenir, il se serait vu bien différemment dans le miroir du Grand Palais que dans celui de la plage. Il aurait pu entendre l'écho des parole qui commencèrent dès ce jour-là de résonner. Loin de se douter que ce qu'il vivait là compterait parmi les plus belles heures de son existence, il s’en remettait entièrement à l’instant et surtout, sans le savoir, à sa présence.





* Noces, Albert Camus

** Le Roi Lear, Shakespeare

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