mardi 5 septembre 2023

Point de départ

 



 – Pourriez-vous me dire, cher Damon, ce que sont ces ponts que Gabar Pontifex fait surgir comme s'ils étaient l'effet de sa volonté?
– Ils ne sont pas l'effet de sa volonté...
– Alors... que sont-ils?
– Ils sont un désir. Le désir qu'il a et qui se mélange à ses fantasmes...
– Que voulez-vous dire?
– Que le langage visuel, tout comme le langage écrit, se prononce... certes dans le silence de la pensée, mais il se prononce. L'image se décrit…
– C’est-à-dire ?
– L’image parle tout autant qu'elle est décryptée...
– Sinon?
– Sinon elle n'existe tout simplement pas.
– C'est-à-dire?
– On ne la perçoit pas. On passe à côté sans la voir. Celui qui voit une image déroule une parole dans le secret de sa pensée... et construit un récit qui n'existe que là ou qui rejoint un récit déjà bien implanté.
– Et dans notre cas, ces images sont-elles réelles?
– La réalité est une image dans laquelle toutes les images se rejoignent, mais curieusement, pour répondre à votre question aussi simplement que possible, oui. Ce sont de purs fantasmes, certes, mais l'enfant Platon l'Ancien, par sa capacité enfantine, rejoint le fantasme de celui qui nous est présenté comme son père...
– Vous voulez dire que...
 – Je veux dire que le point de départ du point de départ, qui nous permet de mettre en lumière toutes choses, ne nous est pas connu... Et si l’on prend en considération cette mystérieuse incertitude alors va s'ouvrir l'immensité des possibles.
Les images seraient, selon les spécialistes, à la fois une mise en abyme et un medium entre parole et silence. Elle renvoient à un récit sous-jacent. Un récit souterrain se développe  comme un chemin visible du dehors et non signalé dans le récit lui-même. S'il vise à dépasser le langage verbal par le biais du silence, ce silence n'en est pas vraiment un...

– Ou le piège sans fin du nihilisme... ou le chagrin des démons... mais revenons au début: vous disiez que ce n'était pas sa volonté mais ses désirs qui faisaient apparaître ces ponts.
– C'est cela.
– Mais quelles serait la différence selon vous?
– La différence est essentiellement dans le fait que ses désirs ne viennent pas de lui même et que c'est pourtant cela que voudrait sa volonté. 
– Comment voulez-vous que je comprenne cela?
– Plus simplement , ses désirs sont apparus sans qu'en cela il ne prenne de part active. Les désirs son là et l'homme sans volonté cède à ses désirs...
– Pourquoi?
– Simplement parce qu'ils sont là.
– Et la volonté?
– Elle exige de bien difficiles acquisitions... 



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