mardi 26 septembre 2023

Objectivité

 


– Il faut que je vous confie…
– Faites donc! Je vous en prie!
– Le fait est que, sans que j’y aie jamais pensé auparavant, cela s’est fait de soi-même, brusquement l’idée m’est venue qu’un monde parfaitement objectif… pourrait être un monde parfaitement absurde…
– Puisque vous abordez le sujet, d’un autre côté je me demande s’il serait envisageable que notre monde soit parfaitement subjectif?
– Dans le premier cas, avant de considérer le monde objectif en soi… il faudrait se demander comment on pourrait envisager… imaginer concevoir ce monde sans qu’intervienne dans notre raisonnement aucune part de subjectivité?
– Si nous admettons qu’il pourrait exister un tel monde, nous ne pouvons pas non plus penser le sujet uniquement comme la part de subjectivité du monde.
– Pourrait-on alors, sans trop craindre de se tromper, conclure que dans le monde réel il n’y a pas de sujet?
– Finalement on pourrait conclure que le monde ne peut donc pas être parfaitement objectif…
– …ni parfaitement subjectif!
– Il est dès lors lui-même imparfait, mais cette imperfection n’est pas un défaut, car elle est sa nature. Il y a donc, au fondement de notre perception du monde, une structure de désir, qui nous fait vouloir être parfaitement objectif.
– Quel est ce désir?
– Celui d’incarner… ou pire… de posséder la vérité.
– Mais quand nous avons conscience de notre propre subjectivité, la vérité est inaccessible, car elle nous échappe.
– Dans ce cas, nous ne pouvons pas vraiment désirer être parfaitement objectif, puisqu’imparfait nous sommes nécessairement.
– Mais nous pouvons vouloir être parfaitement objectif, puisque nous ne pouvons pas être parfaitement subjectif.
– Et si nous voulons être parfaitement objectif, c’est parce que nous ne voulons pas être subjectif. Il y a donc bien un désir, et ce désir, nous le connaissons : nous désirons être parfaitement objectif. Même si nous savons que ce désir est impossible, car pour l’obtenir, il faudrait que nous soyons parfaitement subjectif.
– Nous savons donc qu’il y a une raison qui nous fait désirer être parfaitement objectif, une raison qui est à la fois objective et subjective. Cette raison, serait-ce précisément ce que l’on appelle vérité.
– C’est alors l’objectivité qui fait l’essence de la vérité.
– La vérité n’est donc pas une simple chose objective, mais une relation subjective entre des sujets.
– Et alors, si la vérité est une relation subjective, elle est toujours en situation de concurrence.
– Il y a donc autant de vérités que de sujets.
– Il y a autant de vérités que de sujets et de relations entre eux.
– Et si chaque relation est différente, il y a lieu de croire à la multiplicité de la vérité…


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