lundi 12 février 2024

Incomplet

 
« La vraie vie, pour lui, c'est la connaissance de plus en plus pénétrante, c'est une aspiration entrainant, de l'être, des éléments de plus en plus nombreux. L'âme s'harmonise et s'assainit à mesure que la fonction de connaissance y devient dominante; elle entraine le corps qui voudrait lui faire mener une vie pour laquelle elle n'est point faite; puis, lorsqu'elle est bien organisée, elle cherche la Justice.
Une Idée qui cesserait d'être désirée et aimée ne serait plus Idée, de même qu'une âme qui ne chercherait plus l'Idée ne serait plus une âme. Âme et Idée ne peuvent se dissocier l'une de l'autre. Ce n'est que de leur corrélation telle qu'elle est vécue dans l'expérience philosophique que les deux termes reçoivent leur sens plein.
Quant au sort de l'homme, c'est-à-dire à l'aventure que vit l'âme dans le monde, cela, c'est de l'ordre du mythe.
C'est le mythe qui rétablit l'unité entre la vie et la pensée, irréalisable ici-bas, puisque l'âme contemplatrice des Idées n'a nullement besoin du monde, tandis que l'homme ne peut exister en dehors du monde. Le monde est nécessaire pour donner à l'homme la plénitude de son être et de sa signification: idée qui sera développée et achevée par Aristote, tandis que le thème de l'âme sera repris dans le néo-platonisme et chez saint Augustin. Les deux thèmes conjugués détermineront toute l'ambiance philosophique du moyen âge.
Aristote est le premier à situer l'homme dans le monde et par rapport au monde, le monde étant un tout bien organisé où l'homme tient sa place. Il ne s'agit plus ici de l'homme platonicien dépouillé, transformé par l'activité philosophique, être vivant subordonné à l'âme qui pense et qui cherche. Voici l'homme normal, tel qu'il est par nature et dans la nature, déterminé par tout un ensemble de relations; il fait partie d'un système donné de moyens et de fins sans lequel il ne peut se comprendre et qui est incomplet sans lui.»

L’homme et le monde dans les philosophies anciennes Marie Delcourt



 
– Est-ce que vous pensez qu'Ulysse soit un homme normal?
– Je ne sais ce que vous mettez derrière cette appellation... mais il me semble que le terme d'explorateur conviendrait mieux...
– Cependant... si j’ose insister... je ne crois pas un instant que cet Archipel puisse exister "en nature"...
– Je ne sais jusqu'à quel point cette nature pourrait être un horizon indépassable... comme le disait notre maître...
– Que voulez-vous dire par là?
– Je crois que cet endroit existe de la même manière que nous existons... et qu'existent toutes ces notes qu'Ulysse a écrit.
– Comment pouvez-vous... pourrions-nous, être sûr que c'est bien lui l'auteur de ces notes? Et en plus, il me semble, si l'on en croit la numérotation, que ces écrits ont incomplets...
– Il en va de même pour toutes choses de notre vie... Rien n'est absolument certain... ni complet... à moins que... 
– À moins que?
– Il suffirait pour cela de devenir ce que nous ne sommes point.
– Vous recommencez avec vos mystères...
– Ce ne sont pas uniquement les miens, je vous rappelle que je ne fais que répéter ce que l'on me dit de dire.
– Je suis de plus en plus sûr que vous en rajoutez...
– J'en serais bienheureux... mais là n'est pas entièrement la question.
– Et la question est?
– Que fait Ulysse dans cet Archipel dont nous ne connaissons même pas le nom?








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