jeudi 23 mai 2024

 

« Il y a pourtant une exception, célèbre, et c’est l’extraordinaire sacro bosco de Bomarzo près de Viterbe, créé, détail rarissime, au milieu d'une vraie forêt, son sol jonché de têtes monstrueuses et de silhouettes torturées par des combats singuliers ou menacées par des bêtes sauvages. Ce jardin est l'œuvre de Vicino Orsini, membre d'une vieille famille de l'aristocratie romaine, qui exerçait la carrière des armes. On vient d'avancer que ces grotesques de pierre, dont la signification précise nous avait longtemps échappé, pourraient bien être liés au grand poème épique de l'Arioste, Roland furieux, où le héros devient fou en voyant son amour repoussé. Quant à l'éléphant dont la trompe fait subir les pires outrages à un soldat romain, il a suscité des débats passionnés - Orsini ne pouvait guère avoir oublié Hannibal. Il semble à la réflexion que nous ayons là un cauchemar délibérément hétéroclite, une rhapsodie des thèmes et des mythes paiens tels que la Renaissance pouvait les résumer. Mais cette fatrasie, si elle cherche peut-être à représenter la civilisation renversée par les démons, les bêtes et les monstres du monde originel, se veut aussi récréative que terrifiante. Le visiteur saisi devant la gueule de l'enfer pouvait remarquer le changement significatif apporté à la citation de Dante: «Vous qui entrez, abandonnez toute espérance», qui à Bomarzo était devenu : «Vous qui entrez, abandonnez toute pensée.» Cette invitation à faire allègrement le vide dans son esprit se confirmait une fois la porte franchie, puisqu'on avait eu la délicate attention de dresser un buffet sur une table afin que le visiteur dégustât une collation en enfer.» 

Simon Schama, Le paysage et la mémoire,  Seuil, p.605-606

 


– Et si je m'en vais, c'est ce que je vous avais dit Auguste, et si je vous prépare une place, je reviendrai et je vous prendrais avec moi, afin que vous soyez où je serai.*
– Le problème est que je ne sais où vous êtes...
 – Calmez-vous Auguste… Je sui là devant vous. Que votre cœur ne soit point troublé... Abandonnez toute pensée… On a plus le temps...
Quand le cœur est troublé, ce n'est point sans fondement... Est-ce que je peux vous poser une question?
– Non. Je vous l'ai dit... Ici n’est pas le lieu, vous avez eu le temps d’y réfléchir pleinement, nous étions d’accord: un lieu peut en cacher un autre, il est des demeures dans la demeure... et on nous y attend!
– Voulez-vous renoncer?
– Patience, où que nous soyons je n'en sais rien... et de chemin, de lumière ou de porte, je ne vois rien... patientez, je vous en prie, dites-moi comment vous pouvez être sûr que nous serons dans la bonne demeure si dans cette demeure il en est des autres... et si le temps vous manque, eh bien, il suffirait de donner un peu de temps au temps...
– Petit prétentieux. Comment feriez-vous? On ne donne pas du temps au temps...
– Entendez-vous? La musique semble s'être arrêtée...
 
* Jean 14:3

Aucun commentaire: