« À toutes les époques de ma vie d'adulte, mon enfance m'est apparue sous des formes diverses, souvent comme un pâle enfant légendaire, à la tête bouclée, figure étrange, énigmatique. En général, ces souvenirs venaient me hanter pendant mes nuits d'insomnie; cela commençait par le rappel d'un parfum de fleur ou d'une mélodie et allait jusqu'à un sentiment de tristesse, de contrariété et d'amertume profonde, jusqu'à la tendre nostalgie de mains caressantes ou encore à la douce envie de prier et de verser des larmes.
Maintenant encore, lorsque de temps à autre, je me sens ému par le souvenir de mon enfance, c'est une image encadrée d'or, aux couleurs intenses, qui m'apparaît distinctement, image où je distingue avant tout une abondante frondaison d'aulnes et de châtaigniers dans l'éclat d'une lumière matinale impossible à décrire et sur un arrière-fond de splendides montagnes. Je ne saurais évoquer en des termes plus heureux toutes les heures de mon existence au cours desquelles, oublié du monde, j'ai joui d'un bref repos, toutes mes promenades solitaires par monts et par vaux, tous les instants de bonheur inattendu ou d'amour libéré du désir qui me faisaient perdre la notion du temps, qu'en les comparant à cette verdoyante image de mon enfance. Et j'ai le même sentiment à propos de toutes les choses que, ma vie durant, j'ai aimées et souhaitées pour mon délassement et ma plus haute jouissance, toutes les traversées de villages inconnus, toutes les soirées où je comptais les étoiles, toutes les heures passées étendu à l'ombre des feuillages, toutes mes conversations avec les arbres, les nuages et les enfants.»
Maintenant encore, lorsque de temps à autre, je me sens ému par le souvenir de mon enfance, c'est une image encadrée d'or, aux couleurs intenses, qui m'apparaît distinctement, image où je distingue avant tout une abondante frondaison d'aulnes et de châtaigniers dans l'éclat d'une lumière matinale impossible à décrire et sur un arrière-fond de splendides montagnes. Je ne saurais évoquer en des termes plus heureux toutes les heures de mon existence au cours desquelles, oublié du monde, j'ai joui d'un bref repos, toutes mes promenades solitaires par monts et par vaux, tous les instants de bonheur inattendu ou d'amour libéré du désir qui me faisaient perdre la notion du temps, qu'en les comparant à cette verdoyante image de mon enfance. Et j'ai le même sentiment à propos de toutes les choses que, ma vie durant, j'ai aimées et souhaitées pour mon délassement et ma plus haute jouissance, toutes les traversées de villages inconnus, toutes les soirées où je comptais les étoiles, toutes les heures passées étendu à l'ombre des feuillages, toutes mes conversations avec les arbres, les nuages et les enfants.»
Hermann Hesse, La leçon interrompue, Calmann-Lévy, p.9-10
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– Vous disiez, il y a peu juste avant qu’une impromptue suspension ne fasse son effet… que…
– Oui, ce que vous disiez me parait bien prétentieux!
– Et pourtant… Si l’on considère que la vérité s’exprime par le moyen des mots, alors sans les mots… elle disparaît!
– Ne serait-ce point là un sophisme?
– Nullement. La vérité est affaire de langage…
– Mais le langage exprime des faits qui eux ne sont point des mots!
– C’est exactement cela… Les faits sont des faits et non point des vérités, c’est le langage qui les transforme en vérité…
– Et pourtant… Si l’on considère que la vérité s’exprime par le moyen des mots, alors sans les mots… elle disparaît!
– Ne serait-ce point là un sophisme?
– Nullement. La vérité est affaire de langage…
– Mais le langage exprime des faits qui eux ne sont point des mots!
– C’est exactement cela… Les faits sont des faits et non point des vérités, c’est le langage qui les transforme en vérité…
– Hors le langage il n’y a pas de vérité possible…
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