lundi 22 août 2016

22 août 2016



Entre deux gambades, montrant un allégresse aux antipodes d'un monde à l'envers, Thomas, notre entomologiste, tout sauvage et retiré d'une civilisation qui, d'un silencieux et calme mépris, l'a rejeté, n'en écrit pas moins avec beaucoup d'assiduité, qu'il considère comme un "palliatif fragile mais puissant" au talent dont il se méfie: c'est un lent et imprévisible ressort dont on ne peut connaitre le fonctionnement.
Il sait pourtant combien est fragile le chemin d'une lettre. Quelle que fut sa "bonne" volonté, aux tracas du trajet, du choix et de l'ordonnance des mots au service d'un tout qui les surpasse, s'ajoutent, sans qu'il en soit responsable, la censure, le rapt "pur et simple" par bonté, l’effacement, le caviardage et les tracas de la lecture ou de l'entendement.
– Peu me chaut, si "silence je fais", si "silence ils font", je le fais et le ferai encore. Cela m'aide à me situer et remplace le miroir qui, depuis si longtemps s'est brisé et c'est en-cela que j'apprends, non sans peine, par tous petits moments, à me libérer de leur emprise. Je ne suis rien, mais je suis... et cela devrait me suffire...
Il écrit à son supérieur de l'époque, sans qu'il puisse savoir si celui-ci vit encore et si la lettre lui parviendra un jour.
– Finalement peut importe de savoir si cette lettre sera lue, le fait est là, j'en serai au moins le premier des lecteurs. Il se peut aussi que j'en sois le dernier... Mais rien ne me fera douter du fait que ce qui se dit n'est pas seulement mon fait, mais bien plus encore. On dirait que quelque chose se dit qui vient de plus loin. C'est ce qui fait que... dans certain cas, il repense à ce jour où, ayant écris longuement, il avait laissé sa lettre et son crayon et , sans autre soucis que de partager l'air avec le désert environnant, il sautait joyeusement d'une roche à l'autre. Parfaitement absorbé dans un jeu qu'il serait trop long de présenter ici, il avait oublié sa lettre. Quand, brusquement, il la reçut comme une gifle en plein visage, il ne sut que penser. Perdant l'équilibre il se retrouva allongé sur la terre sèche, tout brûlant de mauvaises pensées envers cet inconnu qui l'avait agressé. Il cherchait vainement la cause de cette agression, jusqu'à ce que aussi rapidement que tout cela s'était passé, la pensée lui vint que c'était le vent qui, soulevé par ses propres mouvements, s'était emparé de la lettre et l'avait plaqué sur son visage aveuglé.
– C'était comme un masque que j'avais de mes mains fabriqué qui révélait ce qui au fond de moi avait pris forme. 
Cela le fit sourire... 




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