lundi 19 juin 2017

Ce qui ne peut être vu

"À force d'épier, il découvrit un homme qui nageait fort loin, à demi perdu sous l'horizon. À une pareille distance, le nageur lui échappait sans cesse. Il le voyait, ne le voyait plus et pourtant avait le sentiment de suivre toutes ses évolutions: non seulement de le percevoir toujours très bien, mais d'être rapproché de lui d'une manière tout-à-fait intime et comme il n'aurait pu l'être davantage par aucun autre contact. Il resta longtemps à regarder et à attendre. Il y avait dans cette contemplation quelque chose de douloureux qui était comme la manifestation d'une liberté trop grande, d'une liberté obtenue par la rupture de tous les liens."*




À demi perdu sur l'horizon, quelque part entre ce qui ne peut être vu et ce qui peut être imaginé, une île attend Platon. Lui, après s'être longuement rapproché de ce qui ne peut être vu, essaie de dormir sans que ne se mette en branle les cortèges de l'imagination. Si la raison implique le fait qu'il ne peut y avoir d'effet sans cause elle ne peut  le montrer toujours clairement. Les liens obscurs qui régissent ces interactions ne peuvent indéfiniment masquer le fait que le tout premier de ces effets provient de quelque action mystérieuse à jamais. Ainsi Platon l'enfant ne peut savoir quel serait la cause qui lie sa présence avec celle de cette île dont il se rapproche et s'éloigne sans arrêt.




* Thomas l'obscur, Maurice Blanchot

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