jeudi 29 juin 2017

(29) De la liberté


« Si tous les hommes moins un partageaient la même opinion, ils n'en auraient pas pour autant le droit d'imposer silence à cette personne, pas plus que celle-ci, d'imposer silence aux hommes si elle avait le pouvoir. Si une opinion n'était qu'une possession personnelle, sans valeur pour d'autres que son possesseur; si d'être gêné dans la jouissance de cette possession n'était qu'un dommage privé, il y aurait une différence à ce que ce dommage fût infligé à peu ou à beaucoup de personnes. Mais ce qu'il y a de particulièrement néfaste à imposer silence à l'expression d'une opinion, c'est que cela revient à voler l'humanité : tant la postérité que la génération présente, les détracteurs de cette opinion davantage encore que ses détenteurs. Si l'opinion est juste, on les prive de l'occasion d'échanger l'erreur pour la vérité ; si elle est fausse, ils perdent un bénéfice presque aussi considérable: une perception plus claire et une impression plus vive de la vérité que produit sa confrontation avec l’erreur. […]
On ne peut jamais être sûr que l'opinion qu'on s'efforce d'étouffer est fausse ; et si nous l'étions, ce serait encore un mal »





* John Stuart Mill, De la liberté, 1859, trad. Laurence Lenglet.

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