lundi 1 avril 2019

(1) Écart


" J'aime beaucoup ces mystérieux ouvrages d'époques ancienne et moderne dont les auteurs demeurent incertains, mais qui ont eu et continuent d'avoir une vie intense. Ils m'évoquent un prodige nocturne semblable à celui de l’Épiphanie, dans mon enfance, lorsque j'allais me coucher, tout agitée, dans l'attente des cadeaux de la Befana*: à mon réveil le lendemain matin, les cadeaux étaient bien là, mais personne n'avait vu la Befana. Les véritables miracles sont ceux qu'on ne peut attribuer à personne, et cela s'applique aux petits miracles des esprits secrets de la maison comme aux grands miracles  qui vous laissent véritablement bouche bée. J'ai conservé cette envie enfantine de petits et grands émerveillements, j'y crois encore."

Elena Ferrante, Frantumaglia, Gallimard



– Aussi naïf que nous puissions être, je ne comprends toujours pas comment nous en sommes arrivés là...
– Que voulez-vous dire par là?
– Je vous parle de notre situation.
– Et cette situation, selon vous qu’elle est-elle?
– Aussi étendue que puisse être notre culture rien ne nous permet d’affirmer...
– Continuez je vous prie!
– Rien ne nous permet d'affirmer qu'à aucun moment nous aurions... ou plutôt nous serions en train de dire ce que nous pensons et non pas ce que l'on désire nous faire dire...
– Mais qu'en est-il de cette distance dont vous parliez tout-à-l'heure?
– Je ne vois pas.
– Vous parliez d'écart entre ce que nous disons et le modèle que nous sommes censé suivre... écart dont vous prétendiez qu'il pourrait être attendu par notre maître.
– C'est exact. En tous cas je le pense.


* La tradition italienne veut que, la veille de l’Épiphanie, la Befana, vieille sorcière chevauchant un balai, dépose des cadeaux dans les chaussettes des enfants.

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