Don Carotte, troublé par le rêve, tenté par la quête de l’auteur, cherche à contourner l’obstacle de l’énigme, et comme il est à la fois orgueilleux, théâtral, et traversé d’une poésie un peu folle, il en fait une interprétation débridée, grandiloquente, bancale… bref, profondément humaine. Un geste de fuite sous des habits de génie… légèrement frelatés…
Journal de Don Carotte
Sang Chaud, assis en tailleur, le menton dans les mains, m’observait marcher en cercles concentriques autour d’une arène, à l'image de notre clairière, que j’avais moi-même déclaré "sacrée" quelques instants plus tôt. Tout me paraissait étrange. Aussi lumineux que me paraissait le lieu dans lequel nous étions, autant l’atmosphère me pesait. L'air me manquait, comme avant une phrase qui ne veut pas naître.
Je m’arrêtais. J’avais les yeux brûlants de certitude et la voix gonflée d’un souffle déraisonnable.
– L’énigme, mon ami, est une parabole cosmique! Une clef pour le dernier seuil! Ce n’est pas une simple question, non! C’est un palimpseste prophétique, un labyrinthe phonique !
Je ne sais pourquoi, d’un air docte je levais le doigt.
– "Je suis un infiltré chez un agent double schizophrène que je suis…" Voilà ! Voilà le nœud gordien!
– Voilà surtout le nœud de ton délire, grogna, oubliant l’étiquette, Sang Chaud.
– Silence! Tu vas voir. C’est limpide: l’infiltré, c’est l’esprit. L’agent double, c’est le corps. Le schizophrène, c’est le monde! Moi, je suis les trois, en guerre civile dans le théâtre de moi-même! Et le "je" final… ah ! le "je" final est l’acteur qui découvre qu’il n’est pas sur scène mais dans la salle!
– Tu n’écoutes même plus ce que tu dis, Don Carotte.
Pris dans la tourmente des arguments, je ne percevais point l’impolitesse de son langage…
– Je ne m’écoute jamais ! Je me préécoute! C’est là toute la subtilité!
Je bondis sur le rocher sacré, les bras tendus vers le feuillage mouvant de l’Arbre-Monde.
– C’est clair, Sang Chaud! L’énigme m’a déjà choisi! J’en suis la réponse! Ce qui signifie que j’ai réussi!
Sang Chaud soupira longuement, comme un soufflet qui se dégonfle et retrouvant quelque dignité dans le ton.
– Vous n’avez pas résolu l’énigme. Vous l’avez enjambée en agitant les bras. Ce n’est que de la gesticulation…
– Nuance. J’ai procédé par transcendance latérale.
– Vous avez brodé!
Je descendis du rocher, un peu moins triomphant, mais toujours droit.
– Tu me sous-estimes.
– Non, dit Sang Chaud. Je vous écoute. Et c’est pour cela que je sais: vous gagnez du temps. Du moins, vous essayez. Vous voulez éviter ce que l’énigme demande vraiment.
– Et qu’est-ce qu’elle demande, selon toi? demandais-je, avec cette colère qu’on n’ose nommer tristesse.
Sang Chaud me fixa, longtemps.
– Peut-être que l’on s’avoue perdu…
Le silence qui suivit fut long et grave. Le feuillage cessa un instant de bruisser. Le palais avait disparu. Le ciel entre les branches hésitait entre le bleu et le gris sombre… très sombre. J’étais redevenu moi-même et ne répondit pas. Je m’éloignais un peu, comme pour marcher en ma honteuse solitude.
– Je ne m’écoute jamais ! Je me préécoute! C’est là toute la subtilité!
Je bondis sur le rocher sacré, les bras tendus vers le feuillage mouvant de l’Arbre-Monde.
– C’est clair, Sang Chaud! L’énigme m’a déjà choisi! J’en suis la réponse! Ce qui signifie que j’ai réussi!
Sang Chaud soupira longuement, comme un soufflet qui se dégonfle et retrouvant quelque dignité dans le ton.
– Vous n’avez pas résolu l’énigme. Vous l’avez enjambée en agitant les bras. Ce n’est que de la gesticulation…
– Nuance. J’ai procédé par transcendance latérale.
– Vous avez brodé!
Je descendis du rocher, un peu moins triomphant, mais toujours droit.
– Tu me sous-estimes.
– Non, dit Sang Chaud. Je vous écoute. Et c’est pour cela que je sais: vous gagnez du temps. Du moins, vous essayez. Vous voulez éviter ce que l’énigme demande vraiment.
– Et qu’est-ce qu’elle demande, selon toi? demandais-je, avec cette colère qu’on n’ose nommer tristesse.
Sang Chaud me fixa, longtemps.
– Peut-être que l’on s’avoue perdu…
Le silence qui suivit fut long et grave. Le feuillage cessa un instant de bruisser. Le palais avait disparu. Le ciel entre les branches hésitait entre le bleu et le gris sombre… très sombre. J’étais redevenu moi-même et ne répondit pas. Je m’éloignais un peu, comme pour marcher en ma honteuse solitude.
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