vendredi 4 janvier 2008

Éducation


Euclide, père de Tancrède, était resté dans les mémoires de l'ancienne cité pour avoir écrit un petit traité d'équitation dont le seul exemplaire restant orne la bibliothèque du juge devenu professeur.
"Je ne suis que le produit de tant de maîtres qui m'ont précédés et du fol espoir de les surpasser. Je leur sais gré de m'avoir enseigné de commencer l’examen de l'âne par les pieds, tandis que tant d'autres commencent par la tête. Par le travail incessant auquel je me suis livré depuis plusieurs années, je ne reconnais les qualités d'un âne qu'au travers de la qualité du son produit par ses sabots. Je reviens sans cesse sur le principe premier qu’il ne faut pas contraindre sa monture par le muscle, mais la gouverner par la tendresse et l'espoir que l'on doit être capable de susciter en elle. En effet, comme le disent les anciens, dans ce qui agit malgré lui, l'âne ne met pas plus de connaissance et de grâce qu’un enfant à qui l'on commanderait avec une virile ardeur et à qui l'on ferait tâter du bâton."
Si ce dernier point faisait sourire Tancrède, c'est que son père, si compétent en matière d'ânerie, ne savait pas toujours accorder ses geste à ses pensées, et cela tout particulièrement quand il s'agissait de l'éducation des enfants. Il a pu très souvent en faire le constat "de première et lourde main" et les arabesques de son bâton n'étaient pas, et de très loin, aussi légères que celles des sabots de ses ânes.
- Je dois reconnaître que pour ma part, l'examen des traits d'un visage me renseigne très précisément de ce qui peut l'habiter. Mais je crois que, en conformité avec ce que dit mon père, et bien qu'à mon tour je détourne ces mots qu'il a lui-même détournés de ses maîtres, l'écoute du son produit par le maniement de la canne et du bâton restera pour moi la première et unique source de vérité sur la main qui les tient. Quand je regardais le bâton de mon père, je voyais à la manière qu'il avait de le tapoter légèrement au creux de sa main et du léger ton étouffé que cela produisait qu'il attendait de moi que les sons que j'allais produire ne diffèrent pas de ceux-là. Je dois avouer que dans ce souvenir-là, il me paraissait grand et cela n'était pas sans me rappeler étrangement l'image de la marionnette de Marcel...

Aucun commentaire: