samedi 3 juin 2023

Un vide abyssal

 

« Quand je n’étais pas né, quand je n’avais pas encore refermé ma vie en boucle et que ce qui allait être ineffaçable n’avait pas encore commencé d’être inscrit : quand je n’appartenais à rien de ce qui existe, que je n’étais pas même conçu, ni concevable, que ce hasard fait de précisions infiniment minuscules n’avait pas même entamé son action; quand je n’étais ni du passé, ni du présent, ni surtout du futur ; quand je n’étais pas; quand je ne pouvais pas être ; détail qu’on ne pouvait pas apercevoir, graine confondue dans la graine, simple possibilité qu’un rien suffisait à faire dévier de sa route. Moi ou les autres. Homme, femme, ou cheval, ou sapin, ou staphylocoque doré. Quand je n’étais pas même rien, puisque je n’étais pas la négation de quelque chose, ni même une absence, ni même une imagination. Quand ma semence errait sans forme et sans avenir, pareille dans l’immense nuit aux autres semences qui n’ont pas abouti.»

J.M.G. Le Clezio, L’extase matérielle, folio



Quatre-cents-trente-cinquième rapport de Don Carotte
Extrait du Grand Cahier Noir


Il m’est étrange d’observer ce qui me traverse ce que l’on appelle l’esprit et dont je ne connais pratiquement rien… et ces mots, dès lors qu’ils sont partis, ne me laissent souvent qu’un souvenir diffus. Et puis il m’arrive aussi, beaucoup moins souvent, rarement même… de me souvenir parfaitement d’une petite partie sans que celle-ci, pourtant clairement énoncée, ne me dise rien qui appartienne ou ait un quelconque rapport avec ce que je crois connaître…

Quand ses pieds ont mal des caresses de la terre,
C’est la tête haute et le regard clair
Que l’équitable mot dans le ciel fait son nid.

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