lundi 8 juin 2009


- Attendez, je n'y vois rien!
- Voyez comme il fait sombre! Dans ce monde il ne suffit pas d'ouvrir les yeux. C'est le moment d'ouvrir vos oreilles!
- Pourquoi m'avez-vous emmené ici?
- Je vous rappelle que ce n'est pas moi qui vous ai emmené mais vous, en utilisant la force. Si je souris de vous voir embarrassé et perdu ce n'est pas pour me moquer de vous mais pour alléger l'atmosphère de vos lourdes et mauvaises humeurs. Qu'en est-il de ces pouvoirs dont vous me parliez il y a si peu de temps de cela?
- Je tiens à peine debout et vous me demandez de réfléchir. C'est peu charitable de votre part.
- Il ne s'agit pas de charité mais d'accroissement et de bonté.
- Expliquez-moi cela!
- La perfection d'un monde peut se mesurer selon différents points de vue.
- Le mien et le vôtre par exemple?
- Par exemple, mais ce n'était pas de cela dont je voulais parler. Cessez de ramener tout à vous-même. Je parlais d'une part de la quantité de ce monde qui se caractérise par son étendue et d'autre part de sa qualité qui n'en est pas moins étendue. Vous ne connaissez pas ce monde parce sa qualité est d'être vide et votre esprit a horreur du vide. Il s'étend d'un infini jusqu'à un autre sans qu'aucune limite ne vienne s'y inscrire en lui-même.
- Dois-je comprendre que nous sommes condamné à rester ou à parcourir sans fin un monde sans limite avec l'assurance de ne rien rencontrer.
- Ce n'est pas ce que je dis mais il se peut que ce soit le cas, tout comme il se peut que ce ne soit pas le cas.
- Et que faut-il faire pour que ce ne soit pas le cas?
- Il faudrait pour commencer que vous compreniez où vous êtes.
- Quand vous me disiez que je parcourais un monde invisible "qui s'étend d'un infini jusqu'à un autre sans qu'aucune limite ne vienne s'y inscrire par en lui-même", s'agissait-il de ce monde ou de mon esprit?
- Bravo, on dirait bien que vos pieds sont revenus sur terre, si j'ose dire. Bien que votre objet, qui est aussi votre sujet, soit par essence infini il me semble bien que vous devenez plus complet. Cependant, un manque se manifeste qui fait obstacle à votre entendement.
- Je dois vous corriger, la complétude est intégrale ou elle n'est pas. Or, la seule complétude que je ressens en ce moment, outre la vacuité de votre raisonnement, est le vide sidéral qui nous entoure et dans lequel vous me poussez encore.
- À mon tour de vous corriger. Il ne nous entoure pas... mais revenons à notre point de départ. D'où provenait ce désir et quel était-il, votre désir, de m'emmener je ne sais où, avant que nous ne nous arrêtions ici?
- Il me semble, pour commencer, que vous avez oublié que ce désir était un réponse à votre questionnement incessant et pressant. Il me semble aussi qu'il vous arrive souvent d'inverser les rôles et que vous me semble y prendre grand plaisir... mais pour être plus constructif je soulignerai que le "désir" au sujet duquel vous me questionnez était d'abord un espoir. L'espoir porte celui en qui il se manifeste, il est issu d'un mouvement de lutte, d'un appétit sincère pour quelque chose qui est toujours du domaine du bien.
- Ou de ce qui est considéré comme tel...
- Ne m'interrompez pas.
- Je ne le ferai plus mais cessez de vous promener de long en large dans ces approximations obscures et confuses.
- J'ai perdu le fil de mes pensées...
- C'est chose faite depuis fort longtemps, à considérer que vous l'ayez possédé un jour!
- Je vous trouve bien enjoué. Si votre ironie égale votre propre désir elle risque fort de l'étouffer.
- Je vois que monsieur retrouve une partie de ses esprits...

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