mercredi 24 décembre 2014

Comme un homme

– Que vous êtes arrogant!
Vous pensez comme si, du fait d'être suspendu et quelquefois de voler,
vous pourriez suspendre le temps.
– D'où le tenez-vous?
– De l'usage immodéré de ces trois points
que vous alignez sans cesse et que vous qualifiez de "suspension".
– Ces suspensions que vous critiquez si vertement sont,
bien souvent, le fruit même et la suspension de vos propres pensées!
– Je suis bien aise d'avoir fait et de faire encore quelque chose qui vous serve,
Auguste, et je vous suis obligé d'en avoir pris en gré.


– Comment en êtes-vous arrivé à une telle conclusion?
– C'est du visage et de la langue d'un autre que je l'apprends !
– Il me semble cependant que, pas plus tard que ce matin, vous me disiez non seulement ne plus savoir qui il est, mais ne plus le voir plus sûrement encore.
– Certes, je ne le vois pas, pas plus que je ne l' entends, mais j'en sais assez pour imaginer.
– De quelle sorte de vérité peut-il dès lors s'agir? Une vérité bien relative... je le crains.
– Justin, je vais vous surprendre, vous avez entièrement raison. Cependant vous me permettrez, à l'aide d'un léger contre-temps, un petit détour de raisonnement, de vous guider à l'endroit même où je me retrouvais alors.
Un autre jour je me posais la même question, et dès l'abord, je ne découvrais rien qui puisse soulager l'ombre qui planait aussi sur mon esprit. Vraiment, pensais-je, l'épreuve est éprouvante pour qui place l'honneur et la droiture au premier plan. Je décidais de mettre en pratique ce qui doit l'être en pareil cas. J'observais dans quelle situation mon corps et mon esprit était alors. La chose est primordiale si l'on considère que le langage du corps reflète pleinement le langage de l'esprit. J'observais alors que ma tête soit "au milieu" des deux jambes, les deux pieds bien posés à plat sur la terre. Le regard portant sur l'horizon sans rigidité excessive, je mis en branle successivement mon bras gauche puis le droit. Les bras restant bien tendus, sans excès, là encore, ils miment une marche un peu contrainte ce qui entraîne, presque automatiquement un mouvement des jambes. L'esprit prend le relais pour un temps: il doit faire en sorte que cette contrainte disparaisse. Ce résultat obtenu est essentiel: c'est la première victoire de l'esprit sur le corps! Le corps marche!
– Vous parlez, je le crains, comme un homme...