lundi 29 décembre 2014

Psittacisme* ou un souffle dans la voix (extrait 1)


Fac-similé d'un dessin de Maître Desvilles,
représentant agrée de l'espèce humaine
auprès de l'Assemblée constituante du Peuple Psittaciforme,
alors prote d'imprimerie,
et depuis maréchal de la noble Académie d'Ouchy

Dans une histoire particulière telle que vous êtes, par accident peut-être, en train de lire, ce qui est recherché avant tout n'est pas seulement le côté intime de la vie des personnages pris dans la tourmente d'événements qui les dépassent largement, mais aussi l'inconnu et l'inédit qui peut surgir par tous les pores de la peaux tout autant que d'une large partie de nos organes internes qui trouvent là une possibilité qui ne leur a, jusqu'à ce jour, pas encore été accordée. C'est donc à dessein qu'une grande partie des détails de certains événements ou considérations générales sur le monde qui nous est familier ont été, par force et par nombre, momentanément mis de côté. Certains d'entre eux, naturellement, doivent, pour une légitime envie de connaître et de comprendre, apparaître au grand jour. C'est pourquoi, sans autre forme de politesse, Justin et moi-même nous vous soumettons un premier extrait d'un document inédit répondant au doux nom de "Flatus vocis," admirablement traité par nos maîtres fraîchement disparus.


 Les Représentants du Peuple Psittaciforme, constitués en Assemblée, considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des
droits du Perroquet sont, avec leur misérable ressemblance avec le peuple des humains, les seules causes des malheurs publics et de la corruption des Gouvernements, ont résolu d'exposer, dans une Déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés du Perroquet, afin que cette Déclaration, constamment présente à tous les Membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin que leurs actes du pouvoir législatif, et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous.
En conséquence, aux delà des frontières, des nationalismes et des croyances, la Grande Assemblée reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l’Être suprême, les droits suivants du Perroquet et du Citoyen.
Art. 1er.
Les perroquets naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité et la reconnaissance commune.



Nous espérons que votre écoute et votre compréhension apporteront des faits ou des écrits nouveaux et, plutôt que de recommencer une histoire admirablement traitée par des hommes passés maîtres dans l'art de répéter, ne pourra être reprise et faite que dans un certain nombre de jours, de semaines, de mois, voir d'années... lorsque des études particulières auront amené une somme suffisant de découvertes à l'écrivain capable de les grouper, de les discuter et d'en faire la synthèse...






* (...) il appartient à l'homme d'établir discursivement l'existence (An sit) de l'objet de sa foi et de chercher à parvenir à l'intelligence des termes qui l'expriment, s'il veut éviter de tomber dans un pur psittacisme, de réduire la révélation à un flatus vocis, à une simple verborum prolatio.  

Louis Rougier
Histoire d'une faillite philosophique: la Scolastique 
1925