dimanche 21 décembre 2014

De mémoire


Comme l’eau coule sous les ponts, Auguste a la prétention "d'écrire ses mémoires".
En l'occurrence il insiste fort justement sur le pluriel.
– J'ai plusieurs mémoires et elles ne communiquent pas toujours les unes avec les autres... 
Le même élément sous des ponts différent tracent des chemins qui se croisent et se recroisent à l'infini. 
Au loin, quelque rumeur croise d'autre rumeurs.
Elles se rassemblent et, sous le pont, passent encore.
Une herbe délicate s'élève au dessus de l'eau.
Elle dodeline de la tête, s'endort  aux rythmes puissants du courant.
Tout change... depuis longtemps tout est changé...

Justin, peu reconnaissable et peu reconnaissant n'est plus, selon les dire d'Auguste, "l'homme qu'il était":
– Ce n'était qu'un rôle...
– Vous êtes arrogant. Vous pensez comme si vous pouviez suspendre le temps.
– D'où tenez-vous cette hypothèse?
– De l'usage immodéré de ces trois points que vous alignez sans cesse et que vous qualifiez de "suspension".
– Ces suspensions que vous critiquez si vertement sont, bien souvent, le fruit même et la suspension de vos propres pensées!
– Je suis bien aise d'avoir fait et de faire encore quelque chose qui vous serve, Auguste, et je vous suis obligé d'en avoir pris en gré.