mercredi 17 décembre 2014

Rêve commun


– Auguste ! Est que, par hasard, vous aussi vous dormez ?
Auguste ne répond pas. Il dort. Justin attend. Il réfléchit.
– Si je réfléchis n'est-ce pas la preuve que je ne dors pas.
Justin s'endort.
Faut-il pour autant ignorer l’indécence, les fastes et les doutes que le sommeil influence ou génère?
On ne sait pas ce qui se passe dans ce royaume où, de toutes manières, tout peut changer d’un instant à l’autre. Mots sans pensée, logique sans pesée, chacun s’occupe uniquement du corps mort d'un savoir.
Tout étrangers qu’ils soient, confortablement pelotonné l’un contre l’autre, Auguste et Justin plissent les yeux face au soleil caressant.
Regardez au loin, cher Auguste, et voyez comment notre auteur se fait des idées.

Sans la constante conscience de la réalisation, notre seigneur et maître croit même, chantant avec son cher conseiller au plus profond de sa forêt, retourner aux origines de l’être suprême. La pureté de sa parole s’étant défaite de l’impure critique, il ignore l’avènement du réseau des idées qui ferait de l’ensemble de sa pensée artistiques un seul Temps au sein duquel le peuple des élus pourrait traduire à volonté la potentialité infinie, et faire entendre, à travers l’ensemble, l’unité d’une seule et véritable polyphonie, dans laquelle se fondent toutes les autres...
- Chut, il me semble les entendre...
Comme chacun, sans trop de décence, il remonte le cours du temps, il évoque en chambre de dégrisement le sombre désir qui nous étreint : celui du savoir, étrangement mêlé de mystère et de science.
- Comme nous?
- Comme nous.
- N’est-il pas dangereux de dormir quand on sait ce qui se passe dans ce royaume ?