jeudi 26 février 2015

"Guillemets"

illustration manquante

– On pourrait, il me semble, cher Auguste Perroquet,
avec tout le tact et la délicatesse dont je suis capable,
penser que votre maître fait preuve d'un certain laisser-aller...
– Cher Justin, vous venez de mettre la serre
sur un point parmi les plus sensibles.
Celui de la liberté d'expression
et de la forme à laquelle celle-ci serait soumise...
Vous captez immédiatement, je l'espère,
l'antagonisme qui est très vite mis en lumière...
Je ne vous répondrais pas de façon personnelle,
mais je vais continuer le récit
tel qu'il m'a été confié.

Auguste raconte son histoire à son homonyme, perroquet au service de son état.

– Comme vous pouvez l'imaginer, il ne fallut pas plus de quelques instant pour que la charge ne se retourne contre moi.
– Rappelez-moi, quelle est cette charge?
– J'ai osé parler de certain défaut fort habilement dissimulé et surtout je l'ai nommé de son nom: la vanité.
Les Hauts-Lieux sont ainsi nommés par le fait qu'ils sont situés sur une hauteur qui dominait la petite cité où se réunissait régulièrement notre gouvernement. Ces Hauts-lieux bénéficient d'une certaine largesse d'expression. Ainsi, tour à tour le terme exprime un lieu, changeant, par ailleurs, et les gens qui s'y réunissent.
– Rien de bien dangereux, en somme...
– En apparence, non. Si ce n'est qu'insidieusement, et toujours dans le même sens, il se produit une très légère dérive.
– Tout de même, vous semblez, mon cher maître, considérer vos égaux d'alors comme des... pardonnez-moi ma hardiesse et mon vocabulaire limité, comme des "crétins"...
– Ces Hauts-lieux ne sont pas constitués que de "crétins", comme vous le dites entre guillemets. À ce propos, c'est amusant, il se trouve que deux de ses membres ont pour titre et fonction d'être des "Guillemets".
– Quels en sont les rôles?
– Ils encadrent, forment et surveillent...
Mais laissons ces détails et revenons en au fond de notre histoire.
Une part non négligeable de cette assemblée est même assez intelligente. Il en est même qui sont ou se disent poètes... assez mauvais il est vrai pour la plupart. Certains sont aussi des artistes, bien peu connu, quelles qu’en soient les raisons, doctes orateurs, scientifiques, bureaucrates, managers, fonctionnaires et bien d'autres encore. Certains font preuve de raffinement et bonne volonté, mais tout ce monde a en commun ce qu'ils appellent, en plus des bonnes manière: la tradition.
– Qu'entendez-vous par "tradition".
– Encore une fois, vous mettez la serre là où d'autre n'ont jamais mis la tête...
La tradition est un vaste réceptacle d'où l'on peut sans grands problèmes, à force de manipulation, facilement faire apparaître les oreilles ou le reste d'un lapin porte-bonheur, ou une vérité, dont la relativité sera habilement... oubliée. Le temps qu'elle réapparaisse, quand le vent, par exemple, aura changé. Et le vent, il suffit d'attendre, change inexorablement.
Rien n'est plus déplorable, en ces lieux, que l'irrespect dû aux anciens et plus particulièrement à ceux qui de mémoire ont œuvré à "l’édification de cette ouvrage", comme nous le disions. Ouvrage qui, selon mon opinion, n'est rien d'autre qu'un "régime comme tant d'autre". Certes, au départ, les raisons évoquées de cet assemblage fondateur sont, en principe, au-dessus de tous soupçons.
– C'est ce que devaient incarner fermement et distinctement les trois émissaires que j'ai rapidement entraperçus?
– C'est cela.
– Est-le cas?

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