mardi 10 février 2015

Les hommes deviennent petits



Loin des hommes, libéré de la crainte de paraître ridicule,
Auguste aime à échanger avec les vagues...
et elles le lui rendent bien...
du moins le croit-il !

Quant à être loin des hommes, rien n'est moins sûr. Les traces de pas sur la plage. L'apparition furtive des trois émissaires et de Monsieur Joyeux ne laisse rien présager de très bon...
– Pourriez-vous, si le don de parler vous était donné, me dire sans trembler que les hommes qui, il y a peu, vous ont côtoyés étaient, selon votre sentiment, bien intentionnés? 
Les vagues, c'est bien connu ne parlent pas. De loin et en certaines circonstances, elles murmurent et ce murmure peut, selon l'oreille, ressembler à d'autres murmures... mais enfin...
 Auguste, lui, entend :
"Le pire ennemi de la démocratie n'est pas dictature ni la vidéo surveillance ni même la NSA. Le pire ennemi de la démocratie c'est la cinquième colonne que constituent les personnages de son rêve quand elle dort les yeux ouverts et qu'elle prend pour un sursaut ce qui relève d'une reddition.  L'opinion publique aux yeux de Tocqueville est à la fois le premier pouvoir et la garantie de la liberté contre lequel tout pouvoir se brise. Mais l'opinion publique est aussi ce qui nivèle et qui uniformise, ce qui pré-pondère et combat les déviances, bref, en démocratie le danger vient de l'intérieur. C'est le dévoiement de l'opinion en censure ou la dilution de l'individu dans la foule."


"Les hommes deviennent petits en se rassemblant."
Maximes, pensées, caractères et anecdotes

Sébastien-Roch Nicolas de Chamfort (1740 -1794 )

"Chaque fois que des hommes abandonnent leurs facultés de penser à la pensée collective. Chaque fois que ces mêmes personnes se persuadent qu'être cent, mille ou cent milles ou un million à penser pareil est un gage suffisant de vérité... et qu'ils ont un ennemi commun : l'esprit solitaire...
La foule vitupère, harangue, crache, tacle mais ne communique pas. Partout où elle va va elle traîne son tribunal populaire. Elle gagne d'avance tous les procès, puisqu'elle est juge et partie.  La foule s'empare d'un rien pour calmer sa faim. En vain.
– Que voulez-vous,  le ressentiment est un estomac insatiable."


"Sous le gouvernement absolu d'un seul, le despotisme pour arriver à l'âme frappait grossièrement le corps. Et l'âme, échappant à ses coups,  s'élevait, glorieuse, au-dessus de lui. Mais, dans les républiques démocratiques, ce n'est point ainsi que procède la tyrannie. Elle laisse le corps et va droit à l'âme. Le maître n'y dit plus : vous penserez comme moi ou vous mourrez. Il dit : vous êtes libres de ne point penser ainsi que moi. Votre vie, vos biens, tout vous reste, mais, de ce jour, vous êtes un étranger parmi nous. Vous garderez vos privilèges à la cité, mais ils vous deviendront inutiles car si vous briguez le choix de vos concitoyens, ils ne vous l'accorderont point. Et si vous ne demandez que leur estime, ils feindrons encore de vous la refuser. Vous resterez parmi les hommes, mais vous perdrez vos droits à l'humanité. Quand vous vous approcherez de vos semblables, ils vous fuiront comme un être impur. Et ceux qui croient à votre innocence, ceux-là même vous abandonnerons car on les fuirait à leurs tours.
– Allez en paix, je vous laisse la vie,
mais je vous la laisse... pire que la mort ! "

1835
De la démocratie en Amérique
Tocqueville

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