dimanche 15 février 2015

Les jouissantes expériences des sens


En d'autres lieux, à une certaine époque,
quand il en avait le temps, c'est du moins ce qu'il disait,
Auguste soumettait son esprit à la raison
et le confrontait, corps et âmes réunis,
aux jouissantes expériences des sens.

– Pourquoi faisait-il cela?
– Parce que cela lui plaisait...
– Pourquoi cela lui plaisait tant?
– Probablement pour des raison qui sont là assez obscures, mais dont on peut dire, d'après ce que m'a dit mon maître, qu'elles allaient au-delà de simples calculs et de certains effets plus ou moins hasardeux de la géométrie... et qui lui permettait d'éclairer, un peu, la toute petite partie du monde dans laquelle il avait la sensation d'exister et voir ce monde sous un jour qui pourrait être "tout nouveau".
Il se mettait en certaines positions qui, il le pensait sincèrement le mettaient "en état de fonctionnement idéal" à l'exercice de la pensée. Jusque là, l'exercice était en parfaite conformité avec ce qu'il était attendu de tout émissaire. La difficulté faisait son apparition lorsque que ce questionnement, en quelque sorte, se retournait sur lui-même... provoquant, on s'en doute, une sorte de vertige pour celui qui s'y risquerait, non par hasard, mais, si on peut le dire en pareille circonstance... en parfaite connaissance de cause...
Or de cause, il n'y en avait pas. Du moins pas qui puisse être évoquée. Et même, cette hypothétique cause, singulière ou plurielle consistait peut-être l'objet de la recherche qu'elle avait elle-même suscité.
Était-ce là un paradoxe? Ou peut-être un cul-de-sac... Auguste avait certes quelques doutes, mais ces doutes faisaient manifestement partie de la question. Hormis ces doutes, la question ne se poserait peut être pas. Tel était la borne qu'il eut fallu ne pas dépasser... et qu'il se mit à dépasser allègrement.
– Allègrement est intrinsèquement le mot qui convient!
Et en même temps, nous le savons par le témoignage de nos amis les perroquets, il ne faisait pas que cela. Loin de là. Il partageait avec eux une part de leurs idéaux, même s'ils étaient, en quelques sortes, canalisés par la rationalité.
– La convergence des savoirs, si petits soient-ils, est une nécessité, leur disait-il souvent. Mais qu'advient du fleuve ou du moindre ruisseau lorsque de ses rives bétonnées il est devenu le prisonnier?
Ce à quoi ils répondaient en souriant :
– C'est bien ce que nous pensons.
Auguste ne s'en rendait pas compte, mais ils l’incluaient dans le nous. Comme si ses pensées et les leurs étaient un même, unique et vague ensemble.
Comme si sa pensée se déversait dans cet ensemble, perdant tout son caractère d'unicité, sans lequel, tout ce qu'il pensait allait se perdre... ce qui, chacun peut le comprendre, le mettait assez mal à l'aise.
– Bon fils de la renaissance... petit garnement des lumières...
Telle fut la sentence provisoire du Très-Haut Conciliateur.


– C'est pourquoi,
et nous venons de mettre le doigt ou la griffe
sur une cause inattendue, Auguste,
pendant longtemps, hésitera...
– L'avenir et le passé se confondent quelques fois.

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