vendredi 17 avril 2015

17 avril / influences



 « Il est de l'essence de la science, en effet, de manipuler des signes qu'elle
substitue aux objets eux-mêmes. Ces signes diffèrent sans doute de ceux du
langage par leur précision plus grande et leur efficacité plus haute ;

ils n'en sont pas moins astreints à la condition générale du signe,
qui est de noter sous une forme arrêtée un aspect fixe de la réalité.
Pour penser le mouvement, il faut un effort sans cesse renouvelé de l'esprit.
Les signes sont faits pour nous dispenser
de cet effort en substituant à la continuité mouvante des choses une
recomposition artificielle qui lui équivaille dans la pratique

et qui ait l'avantage de se manipuler sans peine.
Mais laissons de côté les procédés et ne considérons
que le résultat. Quel est l'objet essentiel de la science ?

C'est d'accroître notre influence sur les choses. »

Henri Bergson
La pensée et le Mouvant
Editions Puf Quadrige, Paris, 2008, p. 3


– ... Oui, un changement de nature...
– Expliquez-moi ce que vous voulez dire par là!
–  Je vais vous parler de ce dont m'a parlé mon maître...
– À propos de quoi?
– À propos de nature...
– Ce ne seront donc pas vos propos... mais ceux que vous allez rapporter après que vous les ayez entendu.
– C'est cela.
– J'ai hâte de les entendre, mais, pardonnez-moi, j'ai une inquiétude...
– Dites-moi...
– N'avez-vous pas peur de les déformer. Je vous dis cela car moi-même j'ai entendu mon propre maître me parler de ces choses-là e je vous avoue que j'ai bien de la peine à démêler ce qu'il m'a dit de certaines idées qui me sont apparues et me brouille quelque peu ce que jusque là je n'avais aucune peine à discerner. Cela provient peut-être du fait que ne connaissais de la vie, pour ainsi dire, que ce que mes actions et non mes pensées avaient comme influence sur ma vie...
– Laissez-moi essayer de reprendre le cours des choses. Mon maître Auguste me disait combien il est difficile d'avoir du discernement. Ce n'était pas là chose originale. Chacun de nous, dès l'instant où il se mettrait à penser, pourrait le dire sans délai. Mais ce qui compte est l'ampleur et le mouvement de ce discernement. Pour nous autres membres de cette noble famille que l'on nomme "Psittacidae" le premier des efforts consiste à reconnaître que ce que nous avons appris à dire n'est qu'un pâle reflet de ce qu'un autre que nous a d'abord pensé...

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