samedi 25 avril 2015

25 avril / D'incessants flux et reflux



– Soyez patient, mon maître Auguste a toujours de la peine à démarrer...
et si je veux rapporter en toute conscience ce qu'il m'a raconté,
je dois respecter la manière dont il a usé à mon égard.
– Vous ne pourriez pas abréger quelque peu,
ce qui, peut-être éclaircirait le propos ?
– Ce n'est pas dans notre nature, vous le savez bien.

Auguste se remémore en racontant à Auguste Perroquet une histoire qu'il a entendu alors qu'il n'était encore qu'un petit enfant:
"Il me semble que non seulement les actions sérieuses des hommes légers et allègres, mais encore leurs divertissements sont dignes de mémoire. Cette opinion m'est venue à la suite d'un voyage auquel j'ai participé malgré moi et que je vais rapporter."
Dès que j'ai rencontré Mestengo, que j'ai pu juger de sa sagesse, de sa force de volonté, de sa tempérance, que j'ai vu combien il était bien doué pour la mémoire, combien il était savant et avide de s'instruire toujours, il m'est venu une inspiration céleste : je me suis dit qu'en m'attachant à lui, je pourrais, en l'écoutant avec attention, passer du statut peu enviable d'ignorant Barbare à celui d'homme cultivé, peut-être aller jusqu'à celui de savant... Je me suis dit qu'en le suivant,
en m'associant à ses recherches, je verrais le monde, je vous verrais, et je pourrais un jour voyager et m'instruire au cœur des racines flottantes des hommes.
J'étais, je vous l'ai déjà dit un enfant curieux et tout livre qui tombait entre mes mains était aussitôt dévoré.  Mais, ce n’est pas la même conduite que de de se tenir dans l'ombre et de se montrer en pleine lumière.

"Ceux qui se persuadent que tout leur arrive par nécessité et d’après les décrets du destin, et ceux qui croient qu’il y a des faits qui se produisent sans que des causes antécédentes les aient nécessairement préparés. Cependant il paraît très difficile en un tel sujet de découvrir la vérité, parce qu’il semble qu’à l’un et à l’autre sentiment s’opposent nombre d’objections irréfragables. Que de ce rapprochement d’enseignements contraires, la vérité puisse ressortir avec plus d’évidence m'apparaît comme souhaitable. Car il n’y a aucune de mes actions où l’on pût trouver que que j'ai préféré à la vérité l’apparence."*

Ce n'est point ma faute si, dès l'origine, dans l'ombre, subsiste un autre moi-même.
Je n'étais et ne suis point devenu héros fameux. Sans prudence, après avoir détruit les remparts sacrés du silence, sans me faire voir, dans tout les mondes je portais mes pas errants. Je parcourus les cités et les déserts nombreux, et m'instruisis de leurs secrets. Sur les mers, en proie à ses soins dévorants, je luttais contre les revers les plus terribles, aspirant à sauver mes jours, et à ramener d'invisibles compagnons que je m'inventais.
Peu de temps auparavant, nous étions tous des enfants qui croyions que nos pensées pouvaient influencer le monde.
Nous avons traversé le ciel, pénétré et vaincu la nuit la plus noire...
Les incessants flux et reflux desquels nous devions nous protéger n'arrangeaient pas nos affaires.
En outre le monde dans lequel nous nous trouvions n'avait de cesse de tourner et de se retourner...


* Du destin
Alexandre d'Aphrodisias

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