mercredi 21 décembre 2016

Comment le saisir?

"Le démon qui est dans les êtres, n'est-ce pas, comment le saisir ?
C'est ça qui fait l'intérêt de la vie, au fond...
autrement ce n'est qu'un dialogue de fantoche..."*


– Je me sens l'âme légère.
Platon délire... un peu...
Sa mémoire lui joue quelques détours.

– Je suis né dans des montagnes peuplées de bergers que j'aimais énormément. C'était il y a longtemps, bien loin de cette plaine désertique où je n'ai su su trouver que ces îlots rocheux qui m'ont accueilli et qui maintenant m'absorbent. Qui sait s'il n'existe un chemin secret, inscrit dans ces profondeurs et qui me relierait au lieu de ma naissance.

La chute de Platon eu dû le saisir d'étonnement, ce qu'elle fit d'une certaine manière, mais elle eu dû aussi le saisir d’effarement, ce qu'elle ne fit pas. Il eut été dangereux d'essayer de s'accrocher aux arêtes tranchantes de la paroi. La tentation était bien grande, et pourtant ce ne fut point le cas. Quiconque eut pu voir sa tête lors de sa chute aurait constater qu'à aucun moment il ne perdit le sourire. Ce n'était pas là une marque de mépris ou de désinvolture... Non, c'était la conséquence du fait qu'il ne perdit pas un seul instant la conscience de vivre un moment exceptionnel qui ne se reproduirait pas de si tôt. Lui revint en mémoire ce qu'il avait entendu quelques temps auparavant:

« Il y eut un grand grondement, et il lui sembla qu'il tombait dans un escalier monumental, sans fin. Et tout en bas des marches, c'était la chute dans les ténèbres. Cela, il le savait. Il avait coulé dans les ténèbres. Et à l'instant où il le sut, il cessa de le savoir. »**

– La grande différence avec ma chute, c'est que la en-bas, dans les ténèbres qui y règnent maintenant, j'y ai vu de mes yeux une lumière en tous points semblables à celles que je puis voir dans le ciel... 

Cependant, lui aussi, sans le savoir était en train de perdre un certain savoir.



*Voix d'Emil Cioran
France culture
Les nouveaux chemins de la connaissance
(Emil Cioran 1/4) 19.12.2016

** Martin Eden, Jack London
 

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